Jean-Marc Rochette : « Grenoble sera la seule ville de France qui a fait un monument pour les enfants irradiés »

Jean-Marc Rochette

51 boulevard Gambetta

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Rencontre / Jean-Marc Rochette, auteur de bande dessinée (le fameux "Transperceneige", c’est lui) passionné de montagne, sera quelques jours à Grenoble dans le cadre du Printemps du livre pour notamment présenter son nouvel ouvrage "Ailefroide", centré sur sa jeunesse grenobloise. Et pour, surtout, inaugurer une statue qu’il offre à la Ville de Grenoble ; statue qui sera installée dans le Jardin Hoche, sur le boulevard Gambetta. Du coup interview.

Pourquoi avez-vous décidé de faire don à la Ville de Grenoble d’une sculpture baptisée L'enfant de Tchernobyl ?

à lire aussi : Jean-Marc Rochette, de la montagne à l'art

Jean-Marc Rochette : En 2015, j’ai publié la bande dessinée Terminus dans laquelle des enfants se font irradier. Pour que cette scène soit convaincante, je me suis renseigné sur le sujet. Et je suis tombé sur le travail du photojournaliste Paul Fusco qui avait fait des photos des enfants de Tchernobyl. Ça m’avait profondément scandalisé, notamment le fait que personne ne parle de ça. J’ai alors décidé de faire plusieurs sculptures à partir de ces photos. Comme je savais que la Ville de Grenoble était écolo, je les ai contactés pour leur en proposer une : ça a tout de suite intéressé le maire.

La sculpture est petite – 25 cm de haut sur une colonne d’1m 20 – et n’est pas clivante, avec une sorte de petit prince de l’apocalypse presque tendre à regarder : je n’ai pas voulu faire de la provocation mais simplement que les gens pensent à cette histoire. J’espère que les Grenoblois seront émus par ce petit personnage, d’autant que vous serez la seule ville de France qui a fait un monument pour ces enfants irradiés.

Le thème du nucléaire vous tient à cœur depuis longtemps…

En effet. J’étais à Grenoble quand, en 1977, il y a eu les grandes manifestations contre la centrale nucléaire de Creys-Malville. J’avais été choqué par cette décision d’installer, sans aucune discussion avec la population, une centrale entre Lyon, Grenoble et Genève. L’indignation est restée : aujourd’hui, je suis toujours contre ce système-là.

Offrir cette sculpture à la Ville de Grenoble a aussi un sens vu que, comme vous venez de le dire, vous avez longtemps vécu à Grenoble…

Oui. C’est la ville de ma famille du côté de ma mère. Je n’y suis pas né mais y suis arrivé à partir de huit-neuf ans. Moi qui ai beaucoup voyagé, s’il y a bien un endroit d’où je me sens, c’est Grenoble.

Grenoble et, surtout, les montagnes environnantes, comme on peut le constater dans votre bande dessinée autobiographique Ailefroide qui vient de paraître…

Oui. J’ai tout de suite été pris par les montagnes. Dans Ailefroide, je raconte par exemple une balade avec ma mère où j’ai été complètement fasciné par la beauté des montagnes. Du coup, très vite, je me suis mis à grimper, de plus en plus fort ; c’était mon truc la montagne. Et principalement les Écrins – j’ai par exemple très peu grimpé à Chamonix.

Vous avez longtemps imaginé être guide de haute montagne. Comment êtes-vous arrivé à la bande dessinée ?

Un jour, j’ai fait une chute, justement dans Ailefroide [un ensemble de sommets du massif des Écrins – NDLR] par le Glacier Long : c’était une glissade en face sud, j’ai cru que j’allais mourir. Et à ce moment-là, je me suis dit, au lieu de penser à la mort, au fait que je n’aurais pas d’enfants : c’est dommage, je ne deviendrai jamais dessinateur ! Ça m’a beaucoup marqué. Ensuite, j’ai eu un accident assez grave : j’ai pris une pierre qui m’a arraché une partie des dents du bas. J’ai alors senti que j’étais moins à l’aise sur le rocher. Tout naturellement, je suis allé vers le dessin comme j’avais un peu de talent pour ça.

La bande dessinée et la montagne sont, a priori, deux mondes très éloignés l’un de l’autre…

Quand j’ai commencé, le milieu de la bande dessinée, qui était composé de beaucoup de Parisiens, n’avait pas idée de ce qu’était la montagne. Même quand je leur en parlais, personne ne comprenait. Ça ne les intéressait pas. Et, à l’époque, le milieu de la grimpe ne s’intéressait pas à la BD non plus : ils voulaient tous être guide, ce n’était donc pas un sujet de discussion. Ces deux mondes ne se croisaient pas. Mais ils se croisent aujourd’hui dans Ailefroide ! C’est curieux d’ailleurs, car ce travail intéresse beaucoup plus de monde que les seuls passionnés de montagne.

Vous allez venir plusieurs jours à Grenoble dans le cadre du Printemps du livre. Vous serez notamment à la Cinémathèque pour une soirée consacrée au film Snowpiercer, le Transperceneige sorti en 2013 et basé sur votre bande dessinée : une aventure folle !

L’histoire, c’est que le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho est tombé par hasard sur la bande dessinée que j’avais faite avec Jacques Lob : il a adoré et en a fait un film qui est devenu le succès mondial que l’on connaît. Ça a lancé la bande dessinée qui était relativement confidentielle à l’époque. Maintenant, il y a même une série qui est en train de se tourner à Hollywood, le bouquin a été traduit dans dix langues… C’est la chance de ma vie !


Jean-Marc Rochette à Grenoble

Mercredi 21 mars

18h à la Maison de la montagne : inauguration de l’exposition Ailefroide altitude 3954, reproductions de planches de la bande dessinée.

19h30 à la Maison du tourisme : projection du documentaire d’Anita Spagnoli Rochette, du Transperceneige aux Écrins et rencontre en compagnie de deux de ses compagnons de cordée.

Jeudi 22 mars

18h30 au Jardin Hoche, entre le 47 et le 51 boulevard Gambetta : inauguration de la statue L’enfant de Tchernobyl.

Samedi 24 mars

Journée : dédicaces au Musée de Grenoble.

20h à la Cinémathèque : projection du film Snowpiercer, le Transperceneige en sa présence.

Dimanche 25 mars

Journée : dédicaces au Musée de Grenoble.

11h au Musée de Grenoble : rencontre autour d’Ailefroide, en dialogue avec Philippe Vuillemin.

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