"L'Île aux chiens" : Wes Anderson a toujours du chien


Le cinéaste Wes Anderson renoue avec le stop motion pour une fable extrême-orientale contemporaine de son cru, où il se diversifie en intégrant de nouveaux référentiels, sans renoncer à son originalité stylistique ni à sa singularité visuelle. Ces chiens eussent mérité plus qu’un Ours argenté à Berlin.

Sale temps pour les cabots de Megasaki ! Prétextant une épidémie de grippe canine, le maire de la ville décide de bannir tous les toutous et les parque sur une île dépotoir. Atari, 12 ans, refuse d'être séparé de son Spots adoré. Il vole un avion pour rallier l’Île aux chiens. Ce qu’il y découvrira dépasse l’entendement…

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Peu de cinéastes peuvent se targuer d’être identifiables au premier coup d’œil, qu’ils aient signé un film d’animation ou en prises de vues réelles. Tel est pourtant le cas de Wes Anderson, dont le cosmos se trouve, à l’instar d’une figure fractale, tout entier contenu dans la moindre de ses images. Martelée par trois tambourineurs asiates dans une pénombre solennelle, l’ouverture de L’Île aux chiens est ainsi, par sa "grandiloquente sobriété", un minimaliste morceau de bravoure "andersonien" en même temps qu’une mise en condition du public. Au son mat des percussions, celui-ci entame sa plongée dans un Japon alternatif nuke-punk, synthèse probable entre le bidonville de Dodes'kaden ! (film d'Akira Kurosawa sorti en 1970) et le sur-futurisme composite fantasmé par Wim Wenders ou Ridley Scott au creux de leurs rêves nippons.

La logique du cœur

Si l’alliage paraît baroque, tant mieux : sous l’apparence hiératique et épurée (conforme aux clichés sur l’"Empire du soleil levant"), un joyeux capharnaüm affleure, et avec lui le désordre anarcho-poétique de la vie que rien jamais ne peut contenir. Cette toute puissance de la spontanéité, le fantasque Wes Anderson l’érige comme loi… en chamboulant l’ensemble des règles.

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Il peut ainsi décréter que tous les personnages parlent dans leur langue d’origine sans être traduits (exceptés les chiens), que les flash-backs sont libres d’interrompre à leur guise le cours du récit. Ou que le trois-quart face n’existe pas. Ou de figurer les bagarres par des nuages de poussières comme dans les BD.

La seule logique est celle du cœur ; le seul empire, la beauté. Dès lors que vous souscrivez à ce pacte, tout paraît d’une évidente cohérence. Jusqu’au choix des voix, accumulation habituelle de talents trouvant son écho logique dans la transposition hexagonale – Brian Cranston / Vincent Lindon, Edward Norton / Romain Duris, Bob Balaban / Yvan Attal... Amateurs de truffes, vous allez vous régaler.

L'Île aux chiens
de Wes Anderson (All-ÉU, 1h41) animation

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