Danse / Immense danseuse et chorégraphe multiprimée, Maguy Marin, enfant d'exilés du franquisme, n'a de cesse, depuis 40 ans, de mettre son art au service de la résistance à la violence du monde. Ce qu'elle démontre une nouvelle fois avec sa dernière création "Deux mille dix sept" et la transmission d'une de ses œuvres phares ("May B") à de jeunes danseurs brésiliens ; deux pièces à découvrir à la MC2. Rencontre en amont.
Vous êtes une chorégraphe bien installée dans le paysage de la danse contemporaine française, avec pas mal de "tubes" à votre actif – May B (1981), Cendrillon (1985), Description d'un combat (2009), Bit (2014)... À côté de ce travail de création, la transmission est aussi un de vos engagements, comme l'on peut s'en rendre compte avec le spectacle De Sainte-Foy-lès-Lyon à Rio : May B à la Maré, une fraternité...
Maguy Marin : May B a traversé 35 ans, plus de 90 danseurs l'ont dansé dont des jeunes, moins jeunes, expérimentés ou non. Il y a eu un brassage de différents parcours. C'est un vrai établi de travail qui offre des outils à de jeunes danseurs : c'est ce rapport générationnel entre interprètes qui nous a donné envie de transmettre, comme ça l'a été pour les élèves de l'école de Rio de la chorégraphe Lia Rodrigues, qui était interprète dans la création de 1981.
Y a-t-il, en transmettant des pièces à la jeune génération, la volonté de contrer l'éphémère de votre art, de faire vivre une œuvre ?
La pérennité des œuvres ne m'intéresse pas trop. Ce qui, par contre, m'intéresse, c'est la transmission. Peut-être que quand on avait 30 ans, on ne le pensait pas de la même façon. Les personnes avec qui je travaille ont toutes plus de 45 ans : on ressent ce besoin de transmettre quelque chose. Le faire par la création n'est pas la même chose que par les ateliers que nous donnons beaucoup par ailleurs, notamment pour les lycéens car May B est au programme du bac danse.
Il y a comme un désir de se servir du travail qu'on a pu mener pour en faire un levier de transmission, pour que ces jeunes danseurs soient plus libres, qu'ils aient confiance en eux, pour lutter contre ce qui est trop technique, trop formel. May B est une pièce que des gens très expérimentés peuvent danser mais aussi des gens qui ne le sont pas. Ils peuvent progresser là-dedans, comprendre des choses...
Vous présenterez en mai à la MC2 votre dernière création Deux mille dix sept. Qu'est-ce qui vous pousse à continuer à créer ?
L'état social actuel est assez catastrophique, de plus en plus de gens tentent de survivre, prennent des bateaux pour vivre... Cette situation n'arrête pas de cogner. Quand je me suis remise au travail, je me suis dit qu'il fallait essayer de se donner du courage. Mon principal objectif est de renvoyer cette violence puisqu'on a l'impression qu'on est comme abasourdis, assez impuissants devant ce qui se passe, il n'y a pas de mobilisation suffisante. Des gens se battent bien sûr par groupes, associations, il y a parfois des manifs mais, au fond, on devrait tous se lever et agir.
La danse, c'est votre façon de vous lever ?
Oui, mais c'est bien insuffisant. C'est mon territoire de travail disons ; c'est l'axe que je suis donc c'est à partir de là que j'essaye d'agir.
Avez-vous l'impression que la danse reste une discipline de résistance ou s'est-elle trop institutionnalisée avec les années ?
La danse a une capacité de toucher, d'affecter les gens, peut-être encore plus que les mots, surtout à l'international. Les images jouent un rôle très important qui peuvent affecter tout le monde, ceux qui n'ont pas le vocabulaire de la poésie. Oui, la danse a vraiment cette capacité. Après, la danse, c'est comme tout : le théâtre, la peinture... Il y a de tout. Il y a aussi de la danse très esthétisante, divertissante, et c'est sûr que je ne me situe pas du tout à cet endroit-là.
De Sainte-Foy-lès-Lyon à Rio : May B à la Maré, une fraternité
À la MC2 du mercredi 25 au vendredi 27 avril
Deux mille dix sept
À la MC2 mercredi 16 et jeudi 17 mai