De retour à l'animation après une parenthèse en prises de vues réelles, Brad Bird donne une suite superlative à ses "Indestructibles", où le divertissement n'exclut pas le politique. La marque de Pixar.
Après un énième sauvetage destructeur, la famille Indestructible est, comme tous autres super-héros, définitivement hors-la-loi. Mais un milliardaire désireux de les réhabiliter propose à Hélène d'incarner cette reconquête. Pendant ce temps, Bob gère les enfants à la maison, et notamment bébé Jack-Jack qui révèle d'étonnantes dispositions...
À cette lointaine époque (il y a... quatorze ans) où les héros masqués étaient moyennement à la mode (Sam Raimi venait tout juste de sortir Spider-Man), que Brad Bird avait eu le nez creux en sortant Les Indestructibles. Non seulement il revisitait l'univers codifié des "super" selon le prisme Pixar, en combinant vision décalée et parodique, mais il permettait indirectement à Disney d'entrer (certes par une porte dérobée) dans ce territoire jalousement gardé par Warner (Superman, Batman) et la Fox.
Et Dieu dans tout ça ?
La donne a changé aujourd'hui, la Maison de Mickey possédant l'essentiel de la plus grande fabrique à mutants en activité, Marvel. Pour autant, pensez-vous que Pixar aurait pu se priver d'une joyeuse transgression ? Que nenni ! Si le film, avec l'interdiction faite aux super-héros d'avoir recours à leurs pouvoirs, use de l'habituelle métaphore pour dénoncer l'exclusion des minorités, il développe un sous-texte plus corrosif visant le public et le renvoyant à ses responsabilités.
Le méchant que les Indestructibles affrontent ici est un hypnotiseur abrutissant les masses par le biais des écrans, reprochant aux foules de s'abandonner à une bienfaitrice providence venue du ciel avec sa cape pour résoudre tous ses problèmes. Ce prédicateur divergent vomit explicitement les "couch potatoes" et leurs cultes infantiles ; celui voué aux super-héros salvateurs et rédempteurs, lesquels ne sont que des pop simulacres divins. Certes, l'hypnotiseur finira défait (ce n'est pas un spoil), mais avoir placé un discours ayant de telles résonances athéistes tient de l'exploit surnaturel.
Ajoutons que le premier rôle est confié à une héroïne et que le personnage le plus fantastique est un bébé : on a bien changé de paradigme.
Les Indestructibles 2
de Brad Bird (ÉU, 1h58) animation