Théâtre / Charismatique, érudit, caricatural aussi, Fabrice Luchini fascine le comédien Olivier Sauton qui dialogue avec lui dans "Fabrice Luchini et moi". Un curieux et séduisant seul-en-scène (Sauton campe les deux rôles) à voir à la Basse cour.
Fabrice Luchini est là tout le temps, sans être là, au point qu'il a fallu modifier l'affiche pour ne pas prêter à confusion : « Olivier Sauton dans Fabrice Luchini et moi ». Car la vedette rohmérienne, après avoir été troublée et séduite par ce one-man-show créé en 2014, fut plus tatillonne sur cette production quand la bise (tempête) fut venue. Pour cause : Olivier Sauton a vu réapparaître l'an passé, quand il semblait promis à un Molière du seul-en-scène, des tweets antisémites qu'il reconnaît avoir écrits du temps où il frayait le même chemin que Dieudonné. Et qu'il considère aujourd'hui, sans se forcer, comme nauséabonds.
Temps révolu, dit-il sur scène en regardant son public. Et « le petit con attardé » qu'il évoque à propos de cette époque est finalement le même que celui qu'il met en scène dans ce spectacle. Un jeune homme (lui-même donc) dont on découvre l'appétit à se cultiver et à s'élever au-dessus de la bêtise crasse. Tenant solidement en main son spectacle, en grande partie grâce à un talent d'imitation incontestable, il fait alors apparaître Luchini, croisé au hasard d'une nuit (c'est véridique), transformé ensuite en maître (c'est fictif). L'apprenti va alors apprendre. Vite.
Copie conforme
Très bon acteur et conteur, Olivier Sauton fait enchaîner à son personnage des leçons grâce auxquelles il découvre qu'on peut lire autre chose que L'Équipe quand bien même son mentor a comme devise la phrase d'un certain Antoine Blondin (romancier et journaliste sportif) : « travaille comme tu t'amuses ». La confrontation classique (et souvent caricaturale) du sport et de la culture ponctue ainsi ce spectacle qui n'évite pas quelques poncifs – non, dans le théâtre public, on ne déclame plus depuis longtemps !
Pourtant, passés ces traits démago, il faut reconnaître à Olivier Sauton une réelle capacité, quasi pédagogique, à transmettre, en les revisitant, La Cigale et la Fourmi (« La Fontaine, c'est le génie français à l'état pur » pour Luchini) ou la première scène du Misanthrope, dont il s'empare avec justesse. Possible, en ce sens – et si cette opposition tient toujours en matière de théâtre – que cet enfant du privé fasse œuvre ici de mission publique, avec un certain sens de l'humour.
Fabrice Luchini et moi
À la Basse cour du jeudi 6 au samedi 15 septembre