"Amin" : Philippe Faucon et les (magnifiques) invisibles

Amin
De Philippe Faucon (Fr, 1h31) avec Moustapha Mbengue, Emmanuelle Devos...

Chronique de l'existence d'un travailleur sénégalais entre sa famille restée au pays et son parcours en France, "Amin" marque le retour d'un Philippe Faucon comme "dardennisé" après le triomphe de "Fatima" (César du meilleur film en 2016) dans une tranche de vie élargie à l'entourage de son personnage-titre. De l'humanisme à revendre.

Ouvrier du bâtiment en France, Amin rentre rarement au Sénégal pour voir sa famille. Vivant en foyer, son horizon se limite à ses voisins, partageant le même quotidien. Lors d'un chantier chez un particulier, Amin est entrepris par Gabrielle, la propriétaire des lieux. Une liaison commence...

Samia, Fatima et maintenant Amin. Les titres de Philippe Faucon annoncent en toute transparence leur ambition programmatique : raconter des histoires à hauteur humaine. Ce qui peut sembler infime s'avère a contrario d'une insondable richesse, puisque ses films dévoilent des personnages-mondes en marge des récits communs, dont les existences sont autant dignes d'être contées que celles, au hasard, de profs neurasthéniques du XVe arrondissement parisien.

De fait, Amin mène plusieurs vies simultanées, entre le monde "d'ici" (celui de l'expatriation par nécessité où il s'acquitte dans une discrétion prudente de ses tâches) et le "là-bas", où ses salaires lui permettent d'être considéré comme un bienfaiteur. Une vie en yoyo, cyclique (le film s'ouvre et se clôt par une image quasi identique, insistant sur la répétitivité mécanique des choses ), singulière et représentative de mille autres.

Amin, Abdelaziz, Gabrielle et les autres...

Tout à la fois individu à part entière et symbole, Amin est aussi un passeur dans le récit, "activant" à chacune de ses rencontres d'autres existences, dont on suit par contiguïté les problématiques propres : la femme d'Amin se révoltant contre un beau-frère trop "protecteur" ; son collègue Abdelaziz condamné à une retraite dérisoire après une carrière au black, ou l'ex et la fille de Gabrielle, assumant mal cette relation socialement transgressive. Loin de faire catalogue ou millefeuille, cet éventail de situations densifie le réalisme, offrant à Amin ce qui manquait hélas au Samba (2014) de Nakache & Toledano.

On regrettera toutefois le choix de l'affiche focalisant l'attention (et l'attente du public) sur un seul épisode du film : la relation entre l'ouvrier noir et la femme blanche. Certes, elle constitue un moment fort, mais il serait trompeur d'y réduire Amin, qui n'est pas plus la réactualisation de Tous les autres s'appellent Ali de Fassbinder qu'un remake inversé du Romuald et Juliette de Coline Serreau ! Concession maladroite à la réclame permettant "d'exposer" la star Emmanuelle Devos, cette image-contresens simpliste est la seule fausse note dans la partition complexe de ce film-fable.

Amin
de Philippe Faucon (Fr, 1h31) avec Moustapha Mbengue, Emmanuelle Devos, Fantine Harduin...

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