de Fred Cavayé (Fr, 1h30) avec Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Stéphane De Groodt...
Une soirée comme Vincent (Stéphane De Groodt) et Marie (Bérénice Bejo) en organisent souvent : autour d'un bon repas entre amis. Sauf que cette fois-ci, l'idée émerge que tous les messages parvenant sur les smartphones durant le dîner soient partagés à haute et intelligible voix. Un jeu bien anodin aux effets dévastateurs...
Connu du grand public grâce à des polars interchangeables car redondants, Fred Cavayé s'était récemment aventuré dans la comédie (Radin) ; on n'imaginait pas que tout cela le préparait à signer son meilleur thriller. Mais voici Le Jeu, étude de mœurs aussi acide que rythmée dissimulée sous des oripeaux d'un vaudeville à la Bruel et Danièle Thompson. Remake d'un film italien à succès (Perfetti sconosciuti, jusqu'à présent inédit dans nos salles, également adapté par Alex de la Iglesia), cette fausse comédie chorale bifurque rapidement sur une voie dramatique perturbante, révélant, comme dans le Carnage de Polanski, les visages de chacune et chacun lorsque se fissurent les masques des convenances sociales.
Se dotant d'une distribution judicieusement hétéroclite pour accentuer les disparités de caractère, Cavayé ne laisse pas les coudées franches à tout ce petit monde : sa direction d'acteurs, rigoureuse, les écarte continûment de la farce. Il ajoute même des références autoréfléxives à l'un de ses courts-métrages, J (1999), évoquant déjà le désarroi de la vie de couple.
Cette bombe intime s'achève sur une note inattendue, quasi buñuellienne, qui donne une perspective trompeuse au récit en renvoyant le public à une interrogation digne d'un sujet du bac : toute vérité est-elle bonne à dire ?