Exposition / Le soir de l'inauguration de "Servir les dieux d'Égypte" au Musée de Grenoble, le directeur du Musée du Louvre, présent vu que son établissement a collaboré à l'élaboration (avec des prêts et une aide scientifique), est ressorti conquis. Et il y a de quoi, tant le résultat est grandiose – même si un peu intimidant. Afin d'en savoir plus, on en a parlé avec des spécialistes. Morceaux choisis.
Sur la période traitée par l'exposition
Florence Gombert-Meurice, conservatrice en chef du département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre : Nous sommes entre 1069 et 655 avant J.-C., période que l'on appelle intermédiaire, la troisième entre deux grandes autres : le Nouvel Empire, avec les pharaons bien connus comme Séthi Ier et Ramsès II, et la Basse époque.
C'est une période de mutations où l'Égypte n'a pas son unité. Les grands monuments que l'on voit en Égypte ne sont d'ailleurs pas de cette époque plutôt méconnue, qui se découvre alors dans des musées et avec des expositions comme celle-ci.
Sur le choix d'une telle exposition
Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble : On a, au Musée de Grenoble, de remarquables collections d'antiquités égyptiennes qui, en importance, sont les troisièmes en région après Marseille et Lyon. Mais elles sont présentées au sous-sol, de manière très discrète et presque incompréhensible pour le grand public.
Je souhaite donc les remettre en lumière, avec une nouvelle présentation à l'horizon 2022, année de l'anniversaire du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion [qui, pour la petite histoire, a vécu à Grenoble – NDLR]. Et cette exposition, conçue avec le Musée du Louvre, participe de ce travail.
Sur l'implication du Louvre
Jean-Luc Martinez, président-directeur du Musée du Louvre : Les collections qui sont confiées au Musée du Louvre appartiennent à la nation : c'est un principe républicain. Nous, conservateurs du Musée du Louvre, devons donc essayer de les faire vivre, et cette exposition, partie d'une demande de Guy Tosatto – au passage l'un des meilleurs directeurs de musée en France, même s'il est contemporanéiste ; personne n'est parfait ! –, en est un exemple.
Car un musée comme celui de Grenoble ne peut pas avoir plusieurs spécialistes des antiquités égyptiennes, alors que le Louvre, qui a 70 conservateurs, le peut, comme il a l'une des plus grandes collections d'égyptologie au monde. Donc on propose à d'autres musées en France les meilleurs des spécialistes pour une période très précise, car la clé de réussite d'une telle exposition, c'est la recherche. Et si le travail scientifique du Musée du Louvre permet de réaliser une exposition d'exception, nous sommes partants.
Sur la présentation de l'exposition
Florence Gombert-Meurice : Nous avons travaillé pour que la scénographie puisse servir de manière claire le propos. Pour cela, il fallait aérer les pièces et être extrêmement structuré et exigeant du point de vue du parcours, avec différentes sections. Nous avons aussi travaillé sur les couleurs : la perception n'est donc pas uniquement intellectuelle, elle peut se faire de manière sensible, simplement par le passage d'une salle à une autre.
Sur le sujet de l'exposition, très différent des précédents du Musée de Grenoble
Guy Tosatto : Certes, notre vocation, c'est plutôt l'art moderne et contemporain, mais il ne faut pas oublier les autres parties de l'impressionnante collection du musée – on a par exemple récemment fait une exposition autour des dessins du XIXe siècle. Et puis avec l'art égyptien, j'ai l'impression, parfois, qu'on n'est pas si loin de la création contemporaine.
Je regardais certains papyrus qui sont d'une modernité folle : des artistes d'aujourd'hui pourraient faire ça ! Comme quoi, tout se tient dans le monde de l'art : on peut être 3 000 ans avant notre ère et, pourtant, trouver des échos qui traversent le temps.
Jean-Louis Martinez : D'ailleurs, ces objets sont tellement exceptionnels que l'on se demande qui sont ces gens qui les ont faits. Ça reste quand même un moment de perfection de l'humanité.
Servir les dieux d'Égypte
Au Musée de Grenoble jusqu'au dimanche 27 janvier