Emmanuel Meirieu : « Donner des émotions fortes, c'est mon boulot »

Des hommes en devenir

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / Depuis 20 ans, le metteur en scène Emmanuel Meirieu trace un sillon de plus en plus fin dans le vaste monde du théâtre contemporain, comme on pourra le constater à la MC2 avec "Des hommes en devenir". Un spectacle, adapté du roman de Bruce Machart, centré sur six personnages victimes d’une perte déchirante. Et un grand moment d’émotion.

Dans Des hommes en devenir, il est question de la perte. Vous allez au cœur du mal mais ce n'est pas sombre, il y a comme une lueur…

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Emmanuel Meirieu : Si les spectateurs sortent en se disant que ce n'est pas la peine de se battre, j'ai raté mon spectacle. J'espère que mes spectacles donnent du courage pour affronter la vie. Ce texte de Bruce Machart est une leçon de courage. Il y a la brutalité du monde – tomber malade, perdre son enfant… – mais tous les personnages l'affrontent magnifiquement. J'ai besoin de modèles comme ça dans ma vie.

Pourquoi avoir utilisé un filtre comme ce tulle qui nous sépare du plateau ?

C'est une protection. Donner des émotions fortes, c'est mon boulot, mais je pense qu'avec le théâtre que je fais, je dois protéger un peu les gens. Et puis ça me permet de faire ce que j'aime : des gros plans visage que je projette sur ce tulle plutôt qu'en fond ou sur un écran ; car ça, ça ne m’intéresse pas.

Pourquoi ?

Parce que je ne fais pas du cinéma. Je fais du théâtre. Un visage, c'est un paysage et, avec de grands acteurs, c'est sublime. J'ai toujours été frustré que seuls les deux premiers rangs puissent voir cela. Mon travail sur le son avec le micro suit la même logique. Ça permet de faire passer l’infinie richesse de tout ce qui traverse une voix humaine.

Vos références sont pourtant souvent cinématographiques…

Oui, j'ai plus vu de films dans ma vie que de spectacles de théâtre, c'est certain. Et les premières grandes émotions dans mon enfance viennent du cinéma. Après, je fais tout sauf du cinéma au théâtre parce que je fais quelque chose d'impossible au cinéma, à savoir que le personnage s'adresse directement au spectateur. Au cinéma, à part chez Godard ou Truffaut, ça n'existe pas. C'est un effet. Dans Pierrot le fou, Belmondo se retourne et me regarde mais c'est une fois.

Au théâtre, il y a cette possibilité que le personnage vous parle à vous directement, vous regarde dans les yeux. Je pense que ce qui m'attire profondément est la présence physique du personnage, d'une histoire. J'adore lire des beaux romans, voir des beaux films mais là, le personnage est au même endroit du monde, au même moment que moi, il respire le même air que moi, il est à quelques mètres de moi, je peux le toucher si je veux. Il est présent physiquement et c'est irremplaçable.

Votre théâtre passe essentiellement par le roman. Pourquoi ?

Le répertoire de théâtre que j'aime en matière d'écriture est celui qui suit les règles : unité de lieu, unité de temps. Comme Jez Butterworth ou David Mamet. Mais si tu fais ces textes-là, tu n'auras jamais la densité d'un roman, on ne racontera jamais autant de choses, c'est impossible.

Je suis d'une génération de séries où il y a du choral, du polyphonique, des intrigues extrêmement multiples, des fresques immenses. Là, dans Des hommes en devenir, même si tout se passe dans la même ville, au même moment, j'ai six histoires différentes riches où certains racontent trente ans de leur vie.

Des histoires portées par des hommes. Depuis vos débuts, votre théâtre est relativement masculin…

Ce qui m'a bouleversé quand j'ai lu le texte de Des hommes en devenir est cette façon de parler des femmes. Ces hommes aiment les femmes. Ils sont dingues de la leur. Ils sont fous amoureux d'elles. Elles ont une place immense dans ce spectacle.

La question du masculin est évidemment importante pour moi. Je pense que Machart rebat un peu les cartes du masculin. Il raconte des hommes qui me ressemblent. C'est fini ce temps de la virilité crasse, de la surpuissance, tout ce que je déteste et qui, pour moi, détruit les hommes et aussi les femmes.

Des hommes en devenir
À la MC2 du mardi 29 au jeudi 31 janvier

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