Thibault Laget-ro : « Je veux parler de mon temps, avec les moyens que j'ai : la peinture »

Les Rivages brûlants

Espace Vallès

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Exposition / Des couleurs vives qui attirent le regard, une peinture figurative qui offre plusieurs niveaux de lecture (mais qui sont ces gens ? des vacanciers ? des migrants ?) : avec "Les Rivages brûlants", le peintre Thibault Laget-ro propose à l’Espace Vallès une exposition passionnante faite pour interpeller le visiteur. On l’a rencontré.

Pourquoi avoir intitulé votre exposition Les Rivages brûlants ?

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Thibault Laget-ro : Parce qu'elle confronte des scènes prises au même endroit – la plage – avec l’idée de questionner la manière que l’on a d’appréhender un lieu : si on est du bon côté de la Méditerranée, la plage est un lieu de villégiature ; si on est de l’autre, ça peut être le début d’une épreuve, voire un cimetière. Je pense à ces gens capables de tout abandonner, de marcher des centaines de kilomètres, de prendre un bateau sans savoir nager, pour espérer avoir une vie meilleure. Avec ce titre, on est donc à la fois dans la chaleur, dans l’été, mais aussi dans l’urgence, dans la dangerosité du monde…

Avec un tel sujet, vous qualifieriez-vous de peintre engagé ?

Je n’ai pas du tout le sentiment d’avoir un travail engagé, je ne me sens pas artiste engagé. Par contre, je veux parler de mon temps, avec les moyens que j’ai : la peinture. C’est un médium qui a un sens, qui permet de raconter des histoires, de fixer et figer quelque chose dans le temps.

Et ce qui m’intéresse, ce n’est pas la peinture en elle-même, mais ce qu’elle me permet de dire. J’ai par exemple envie de montrer que le monde manque d’aspérité, alors je choisis une peinture en aplats ; j’ai envie de dire que la vie est une comédie, donc je vais plutôt représenter des personnages qui ont comme des masques ; je trouve que l’on est dans un monde qui accepte de moins en moins la contrariété ou la dureté, je vais alors utiliser des couleurs qui sont dans ce champ de réflexion…

Des couleurs vives qui vous permettent de trancher avec la dureté de votre sujet ?

Quand j’ai commencé ce travail, je ne l’ai pas du tout envisagé comme ça. La réflexion était plutôt : je suis allé sur des plages espagnoles à des moments où des gens débarquaient, sautaient du bateau, marchaient sur le rivage et disparaissaient. Et j’ai vu, au même endroit au même moment, des touristes avec des bouées de toutes les couleurs jouer, crier, manger, chahuter dans l’eau…

Si je devais juste peindre la scène de plage traditionnelle, je la peindrais comme ça, avec des couleurs vives et chatoyantes, et ça ne choquerait personne. Appliquer ces codes à des scènes avec des migrants, que je n’avais pas de raison de peindre différemment – c’est le même moment, la même plage, le même soleil –, me semblait aller de soi. L’idée était donc de traiter de manière égale une unité sans lui affecter de sentiment. Même si pour certains, et je l’entends, il y a une erreur de traitement.

Une démarche qui laisse parfois les spectateurs dans le flou quant au sujet représenté, comme c’est le cas par exemple avec la toile L'envol, présentée en ouverture de l’exposition (et en tête de cet article)…

Je dirais qu’il y a trois grandes familles dans mon travail. La première, c’est celle qui est sans ambiguïté : malgré les couleurs, le sujet est frontal, on voit très bien de quoi je parle. Il y a ensuite l’ambiguïté : les sujets sont là, mais il y a un détail qui cloche. Comme dans la toile Rivage [exposée à l’étage de l’Espace Vallès – NDLR] avec cette vue magnifique sur une plage. En la regardant de plus près, on découvre dans un coin deux chaussures qui traînent et qui sous-entendent le passage…

Et d’autres, enfin, où il n’y a aucun signe qui permet de savoir de quoi je parle. C’est le cas de la toile dont vous parlez : en fonction de la manière dont on va la regarder, on va se trouver face à quelqu’un qui nage, qui s’amuse… Mais on peut aussi voir quelqu’un qui se noie, qui meurt… Sur cette toile en particulier, je n’avais pas d’histoire définitive à raconter : l’homme est entre deux eaux, on ne sait pas ce qui lui arrive. Et c’est intéressant de ne pas savoir.

Les Rivages brûlants
À l'Espace Vallès (Saint-Martin-d'Hères) jusqu'au samedi 2 mars

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