François Civil : « Avec Juliette Binoche, j'ai pris une leçon absolue ! »

Celle que vous croyez
De Safy Nebbou (Fr, 1h41) avec Juliette Binoche, François Civil...

Déjà impressionnant dans "Le Chant du loup" en salle depuis la semaine dernière, François Civil poursuit sa démonstration en jouant la victime d'une séduction aveugle ourdie par Juliette Binoche dans "Celle que vous croyez" de Safy Nebbou. Entretien décontracté.

Vous étiez "Oreille d'or" dans Le Chant du loup. Ici, votre personnage joue plutôt de sa voix et de ses yeux, puisqu'il est photographe...

François Civil : (rires) Je ne m'en étais pas rendu compte ! Le début de ma carrière est un parcours des sens : dans Mon Inconnue qui sort bientôt [le 3 avril], ce sera le toucher, puisque je serai écrivain. Peut-être être que je serai nez dans le prochain ?

Vous l'étiez déjà un peu dans Ce qui nous lie de Klapisch...

Ah voilà : c'était le nez et le goût. Bon, ben ma carrière est bientôt finie (rires) !

Cela ne vous a pas freiné de n'avoir ici qu'une petite présence à l'écran ?

Tout au contraire ! En lisant, je me disais "ce n'est qu'une voix pour l'instant", et je trouvais ça super excitant d'aborder le personnage comme cela. Un acteur, c'est un corps et une voix. Généralement, on incarne le personnage en premier ; là, c'était d'abord des pixels dans un "chat", puis la voix. C'était tout à fait particulier. Et puis, j'apparais à l'écran dans la seconde partie...

Aviez-vous vu Her de Spike Jonze, qui fonctionne sur un principe comparable ?

Dans Her, leur relation fonctionne hyper bien, et l'on est présent avec les deux. Sauf que j'ai appris que c'était une voix témoin qui donnait la réplique à Joaquin Phoenix pendant le tournage : Scarlett Johansson a tout enregistré après. Safy Nebbou [le réalisateur] a pris le contre-pied direct : grâce à un stratagème, j'étais tout le temps présent sur le plateau pour donner la réplique à Juliette, même si on ne s'est jamais croisés.

Comment cela ?

J'étais caché, parfois dans des cagibis ! Mais pour des besoins d'organisation et de fluidité de travail, c'était plus simple pour Safy de pouvoir diriger ses deux acteurs simultanément, en passant de la pièce où il tourne avec Juliette à la mienne. Comme cela, Safy pouvait venir souffler des répliques à l'un ou à l'autre, afin qu'on se surprenne et qu'il y ait de vrais moments de connivence – ou des rires.

Tout ce que vous disiez n'était pas forcément écrit ?

Tout était écrit, mais on a convenu très tôt d'essayer des choses : étant donné qu'on est en train de créer une relation téléphonique, et que c'est un peu abstrait de la montrer avec des ellipses, il fallait faire comprendre comment les personnages devenaient de plus en plus proches. D'où l'importance de laisser de la place à un peu d'improvisation.

Avez-vous tourné la construction de cette relation dans sa chronologie ?

Quasiment parfaitement. Safy a eu cette idée de faire que l'on ne se croise pas jusqu'au moment où le plan de travail imposait que l'on se voie. Notre première scène "physique" a été la séance photo. Et le même jour, on a tourné une séance d'amour. Être une petite voix pendant deux semaines dans la tête de Juliette sans la croiser a créé chez moi une frustration et fait monter une espèce de tension. Une voix, ça nourrit tellement l'imaginaire. Je suis toujours beaucoup plus intrigué par ce que je ne vois pas. Un corps habillé est plus sensuel qu'un corps nu, cette notion d'être caché à l'autre crée beaucoup de désir.

C'est la seconde fois que vous donniez la réplique à Juliette Binoche (après Elles de Malgorzata Szumowska). Quel partenaire de jeu est-elle ?

J'ai pris une leçon absolue ! Tourner avec elle, c'est précieux. Juliette, c'est une chance pour les réalisateurs de l'avoir en tant qu'alliée : elle fusionne littéralement avec le rôle – voire ses rôles dans le cas de ce film –, le projet, la direction et ses partenaires. Elle a une générosité que je n'ai jamais vue ailleurs, dans le travail et en dehors.

D'une manière générale, je me sens très chanceux en termes de partenaires. Sur Le Chant du loup, j'ai joué avec Omar Sy, Reda Kateb, Mathieu Kassovitz et Paul Beer, que j'avais tous adorés dans des rôles très différents. Dans Mon inconnue d'Hugo Gélin, c'est avec Joséphine Japy et Benjamin Lavernhe... J'aime le cinéma parce que c'est un métier de collectif.

De collectif et de confiance envers son réalisateur...

J'essaie de tout baser sur la confiance, dès que j'ai des doutes, j'en parle au réalisateur – et réciproquement. Lui de son film, moi du personnage. Ici, j'appréhendais surtout la rencontre avec Juliette et je doutais de moi.

Quelle phase de la "fabrication" d'un rôle vous excite le plus ?

La préparation, de plus en plus. C'est le moment où l'on a la chance de s'éloigner de nous, de rencontrer des gens, un univers, une histoire... C'est là qu'on apprend beaucoup. Ensuite, le côté collectif du tournage me galvanise énormément.

Dans Celle que vous croyez, la scène où mon personnage découvre le pot aux roses est un "rendez-vous d'acteur" : quand on lit le scénario, on se dit que c'est le truc qu'il ne faut pas planter. Sur le tournage, la première assistante est venue me voir : « Francois, je suis désolée, mais on a très peu de temps pour des raisons de lumière ». Bizarrement, Safy a mis une telle ambiance bienveillante sur le plateau que ça a libéré quelque chose. Et la première prise a été la bonne.

En un peu plus d'un mois, vous figurez en tête d'affiche de trois films. Avez-vous l'impression "d'exploser" ?

En éclats ? (rires) C'est un peu un coup du sort s'ils sortent en même temps. Je sens clairement qu'il se passe quelque chose en termes d'exposition médiatique, avec trois films très différents que j'aime tous tout autant. C'est quand j'ai tourné Five d'Igor Gotesman avec Pierre Niney que j'ai senti qu'il y a eu une bascule. Ça a été un succès populaire, et après on m'a proposé pour la première fois directement des films, malheureusement des rôles un peu similaires à celui de Five.

Mais ça fait quand même 15 ans que je suis sur les plateaux : j'ai commencé à 14 ans, même si ça n'a pas été un désir très fort d'en faire mon métier. J'ai connu des années où je ne tournais pas du tout : ça m'a un peu immunisé, prévenu que les dents de scie pouvaient arriver. Alors, je profite à fond de la chance que j'ai : potentiellement, l'année prochaine, il ne se passera rien et ce n'est pas grave.

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Lundi 25 février 2019 Sous une identité d’emprunt, une quinquagénaire délaissée noue,  grâce à Internet, une liaison avec un vingtenaire, retardant sans cesse le moment de la rencontre. Une trouble romance à distance magnifiquement interprétée par Juliette Binoche...
Jeudi 12 mars 2020 Alors que sa sortie a été courageusement maintenue sur les écrans malgré l’ombre du Covid-19, et que des affiches ont été indûment taguées en marge des cortèges du 8-mars, Martin Provost et Juliette Binoche reviennent sur la genèse de ce film qui,...
Mardi 10 mars 2020 Un long-métrage féministe qui laisse une petite place à une histoire d'amour : porté par une jolie distribution, le nouveau film de Martin Provost est plutôt réussi. Grâce notamment à un second degré réjouissant.
Mardi 10 septembre 2019 Renouant avec deux des comédiens de "Ce qui nous lie", Cédric Klapisch revient dans la foule des villes pour parler… de solitude. Un paradoxe qu’il explique volontiers alors que sort en salle son "Deux moi".
Mardi 10 septembre 2019 Comment deux trentenaires parisiens confrontés à leur solitude et leurs tourments intérieurs s’évitent avant de se trouver. Cédric Klapisch signe ici deux films en un : voilà qui explique qu’il soit un peu trop allongé, pas uniquement à cause...
Lundi 12 juin 2017 D’une vendange à l’autre, une fratrie renoue autour du domaine familial… Métaphore liquide du temps et de la quintessence des souvenirs précieux, le (bon) vin trouve en Cédric Klapisch un admirateur inspiré. Un millésime de qualité, après une série...
Mardi 28 mars 2017 À l’instar de ces héros humains améliorés par les machines, ce film en prises de vues réelles s’hybride avec toutes les technologies visuelles contemporaines pour revisiter le classique anime de Mamoru Oshii (1997). Une (honnête) transposition de...
Lundi 16 mai 2016 Si Roméo était fils d’un ogre pêcheur et Juliette travestie, fille d’un industriel de Tourcoing, peut-être que leur histoire ressemblerait à cette proto-comédie de Bruno Dumont. Un régal pour l’œil, mais pas une machine à gags. En compétition...
Mardi 29 mars 2016 de et avec Igor Gotesman (Fr., 1h42) avec Pierre Niney, François Civil, Margot Bancilhon, Idrissa Hanrot…
Mardi 19 août 2014 D’Olivier Assayas (Fr, 2h03) avec Juliette Binoche, Kristen Stewart…
Mardi 4 février 2014 De Nicole Garcia (Fr, 1h35) avec Pierre Rochefort, Louise Bourgoin, Déborah François…
Mercredi 28 août 2013 Claire Simon tente une radiographie à la fois sociologique et romanesque de la gare du nord avec ce film choral qui mélange documentaire et fiction. Hélas, ni le dialogue trop écrit, ni les récits inventés ne sont à la hauteur de la parole réelle et...
Jeudi 7 mars 2013 De Bruno Dumont (Fr, 1h35) avec Juliette Binoche, Jean-Luc Vincent…
Mardi 17 juillet 2012 De Marion Laine (Fr, 1h28) avec Juliette Binoche, Edgar Ramirez…
Vendredi 10 février 2012 De Sylvie Testud (Fr-Lux-Bel, 1h37) avec Juliette Binoche, Matthieu Kassovitz...

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X