"L'Ivresse des sommets" : va boire là-haut si j'y suis

L'Ivresse des sommets

Musée Dauphinois

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Exposition / Chartreuse, vermouth ou, plus croquignolet, crème de pucelle, mousseline des Alpes, chamberyzette… : dans la région, les alcools sont nombreux. C’est à l’histoire de leur production et de leur consommation que se consacre la nouvelle exposition passionnante du Musée dauphinois. À découvrir sans modération !

Petite exposition est devenue grande… Car à l’origine, il y avait le projet de Chantal Spillemaecker de présenter les réclames et autres affiches chargées de faire la promotion des alcools locaux. Puis, au fil de ses recherches, la conservatrice du Musée dauphinois a élargi son sujet pour aboutir à L’Ivresse des sommets : une proposition qui démontre avec brio comment ces boissons participent de l’histoire culturelle, sociale et industrielle de la région – une exposition répondant pleinement aux missions de ce musée qui « inscrit son action dans la relation de proximité qu'il entretient avec les habitants d'origine et d'adoption des Alpes dauphinoises comme avec leurs hôtes de passage » (extrait de son site internet).

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Le parcours historique offert au visiteur démarre alors avec les liqueurs à vocation médicinale historiquement produites par les religieux dans une section malicieusement intitulée "Du spirituel aux spiritueux" et se termine par des interviews de la nouvelle génération de distillateurs dont l’allure bobo-classieuse est aux antipodes de celle de leurs prédécesseurs ambulants – dont quelques extraits documentaires témoignent de la trogne, de la gouaille et de l’approche singulière de la médecine (« la gnôle, c’est mon médicament ! » nous confie, réjoui, l’un d'eux). Grand écart !

« De la fiole de l’apothicaire au verre du gastronome »

Mais si l’exposition consacre une part importante aux différents types de producteurs (monastiques, domestiques, artisanaux ou industriels), elle s’intéresse aussi à la figure du consommateur et à son évolution au fil des ans. En effet, essentiellement médicinale jusqu’au XVIIIe siècle, la consommation d’alcool va progressivement devenir un loisir au sein d’une classe bourgeoise en plein essor et friande de nouveaux plaisirs gustatifs – « les eaux-de-vie passent de la fiole de l’apothicaire au verre du gastronome » nous apprend-on.

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Un changement qui s’accompagne de l’apparition des premiers débits de boissons et, surtout, à partir du XIXe siècle, d’une production industrielle massive qui favorise le développement d’une exportation conséquente, contribuant ainsi à la renommée internationale de certains de ces alcools, tout particulièrement la Chartreuse. En attestent plusieurs vidéos (comme des extraits de films de Tarantino et Hitchcock mais également un concert de ZZ Top) dans lesquelles les protagonistes vantent les mérites (et les effets) de la fameuse liqueur aux 130 plantes.

Douce ivresse culturelle

L’ensemble de l’exposition est servi par une scénographie dont les pans de murs légèrement de biais donnent juste ce qu’il faut le tournis pour nous plonger dans un état d’ébriété factice renforcé par une section qui propose un parcours olfactif dédié aux odeurs spécifiques des plantes emblématiques des Alpes. Dans cet état de douce ivresse culturelle, on découvre ensuite des nombreux objets étonnants, voire franchement amusants, comme une série de contenants à alcool (dont un bidon anatomique aux formes incurvées destiné à être planqué sous le manteau lors des passages en fraude) ou un fameux alcool de vipère récemment retrouvé dans un placard (la scène des Bronzés font du ski est donc bien basée sur des pratiques avérées, à mi-chemin entre sorcellerie et médecine populaire)… On serait d’ailleurs curieux de savoir quel goût ça a ; malheureusement, peu de celles et ceux qui l’ont goûté sont encore là pour nous le dire… Mais le meilleur est certainement cet extrait vidéo du journal télévisé de 1956 grâce auquel on apprend que le ministre de l’éducation de l’époque a pris la résolution d’interdire la consommation d’alcool pour les enfants de moins de 14 ans dans les cantines !

Bon, que l’on se rassure, si les marmots n’ont plus droit à leur ballon de rouge dans les cantines grenobloises (même bio) et que la consommation de liqueur est largement en baisse depuis les années 1950, la jeune génération de producteurs, consciente des enjeux environnementaux et portée par le désir de produire un alcool de qualité, nous promet de belles soirées de dégustation en perspective… Dont quelques-unes dans le cadre de la programmation culturelle du Musée dauphinois !

L’Ivresse des sommets
Au Musée dauphinois jusqu’au lundi 29 juin 2020

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