Festival / Dans la riche programmation du BD Grenoble festival, notre regard s'est arrêté sur cette drôle et savoureuse bande dessinée qui se lit comme critique acerbe du marché du travail... On a donc posé trois questions à Émile Bertier, l'un de ses deux créateurs grenoblois à retrouver samedi 15 et dimanche 16 juin dans les allées de l'Ancien Palais du Parlement de Grenoble.
Quelle est l'histoire de votre bande dessinée ?
Émile Bertier : On est dans le cadre d'une robotisation complète de la Terre qui a entraîné une perte massive d'emplois. Nos héros, qui sont des bons humains, vont devoir émigrer sur des systèmes en dehors de la Terre dans lesquels il y a encore de la main-d'œuvre. Ils sont uberisés et deviennent des machines prêtes à tout pour obtenir du travail.
L'originalité du projet est d'avoir entièrement détourné de vieux comics américains des années 1950...
Oui. Avec mon ami Yann Girard, nous étions passionnés par La Classe américaine : le grand détournement, un film des années 1990 qui compile des extraits de différents films pour récréer des histoires absurdes. Puis, il y a deux ans, nous avons découvert une base de données de bandes dessinées libres de droits, dans laquelle se trouvaient plusieurs comics sortis entre les années 1940 et 1960 et donc tombés dans le domaine public. Une matière incroyable avec laquelle travailler !
On les a feuilletés, on a sélectionné les planches les plus croustillantes, découpé les vignettes... Un petit coup de gomme dans les bulles, et hop, de vieux dialogues ringards sont devenus des vannes. Car ce sont surtout des comics qui sont traversés par un esprit patriotique, raciste, impérialiste, ce qui les rend amusant à travailler au second degré.
Vos planches font en effet se succéder les gags, mais avec un message militant...
On voulait parler d'une absurdité, celle qui consiste à penser que le travail est au-dessus de tout. Le travail identifie trop souvent les individus, alors que nous ne sommes pas que ça ! Nos personnages représentent des institutions réelles, celles qui ont tendance à culpabiliser les chômeurs, comme Dr Chômax, le Big Brother qui leur explique que s'ils n'actualisent pas leur situation, ils seront radiés ; ou Paul Lamploix, le manager de la tribu des ubers, archétype du chef d'entreprise qui est là pour motiver les troupes, mais qui en fait ajoute sur elles une pression supplémentaire.
Le festival
Temps fort pour les amateurs de BD de la région, le festival BD Grenoble revient cette année dans l'enceinte de l'Ancien Palais du Parlement qu'il avait déjà occupée l'an passé. Avec, comme à chaque édition, une trentaine d'auteurs et dessinateurs à lire (et, surtout, à rencontrer), dont l'invité d'honneur de cette année : l'Italien Stefano Casini qui vient de sortir le western Mimbrenos aux éditions Mosquito, qui justement organisent le salon via l'association Dauphylactère. Plus d'infos sur www.editionsmosquito.com
BD Grenoble festival
À l'Ancien Palais du Parlement samedi 15 et dimanche 16 juin de 10h à 19h