De Monia Chokri (Can, 1h57) avec Anne-Elisabeth Bossé, Patrick Hivon, Sasson Gabai...
Sophia vient de soutenir sa thèse et devant elle s'ouvre : le vide. Sans emploi ni relation sentimentale (mais enceinte d'un amant passé), elle squatte chez son frère Karim. Quand elle se résout à l'IVG, Karim flashe sur la gynéco. Les sentiments sont partagés. Sauf par Sophia...
On parle souvent des "films du milieu" pour désigner des productions économiquement intermédiaires. Mais il faudrait reconsidérer la formule pour qualifier le jeune cinéma de la comédienne Monia Chokri (vue notamment chez Xavier Dolan), dont cette première réalisation de long-métrage laisse espérer de grandes choses. La Femme de mon frère est sans doute un film intermédiaire par son budget ; totalement par son sujet puisque Sophia se retrouve à tenir la chandelle entre sa gynéco et son frère. Il l'est surtout par son style à mi-chemin entre une inspiration résolument Nouvelle Vague (avec jump cut godardiens, effets de surimpression, errances nocturnes commentées en voix-off, citations littéraires) et sa tonalité de comédie américaine sentimentale des années 1980, ses décors pastel ou son ambiance familiale orientale explosive – un joyeux mélange entre Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner, Recherche Susan désespérément de Susan Seidelman et Le Complot d'Œdipe de Woody Allen.
Débordant de rebondissements, cette petite saga portée par une anti-héroïne jalouse, agaçante, attachante et fragile à la fois, s'avère beaucoup moins nombriliste que l'on pourrait le croire, en brossant le portrait-charge non pas d'une trentenaire en déroute, mais d'une société confite dans son égoïsme : les gérontes font leur loi à l'université, les baby-boomers se comportent en sales gosses, les bourgeois autosatisfaits s'avachissent dans leur luxe. Demeure une lueur : celle des fêlés comme Sophia ou Jamin (le fantasque sage-homme qu'on lui met dans les pattes) voire la lumière des réfugiés auxquels Sophia va prodiguer des cours pour, en définitive, s'éclairer sur le sens de sa vie...