Mourad Merzouki ("Vertikal") : « Amener les danseurs ailleurs »

Vertikal

MC2

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Danse / Créé il y a tout juste un an à la Biennale de la danse de Lyon, "Vertikal" explore une nouvelle dimension de la pratique du hip-hop dans un spectacle qui confine, dans un premier temps, à l'exercice de style mais s'avère très rapidement convaincant tant l'utilisation de l’apesanteur fonctionne. Chorégraphe et fondateur de la compagnie Käfig, Mourad Merzouki nous en parle avant son passage par la MC2.

Avec Boxe boxe (2010), puis Pixel (2014) et Folia (2018), vous avez frayé avec la musique classique, les arts numériques et le baroque. Qu'est-ce qui vous a poussé à explorer désormais la verticalité ?

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Mourad Merzouki : Chacune de mes créations naît de rencontres. Je ne me dis pas que je voudrais travailler sur tel ou tel univers. Pour Vertikal, j'ai rencontré une compagnie (Retouramont) de professionnels de la danse verticale depuis un certain nombre d'années et je me suis intéressé à ces agrès, à cette approche du plateau et de la scène car je n'avais jamais jusque-là travaillé sur de la hauteur, de l'élévation.

Je me suis retrouvé face à un dispositif qui ne pouvait que me bousculer et m’amener ailleurs avec les danseurs. Et ça été une aventure pas évidente mais passionnante parce que les danseurs ont été totalement bousculés par l’agrès qui peut être une contrainte même si, avec le temps, il apporte quelque chose d'assez intéressant avec cette impression de vol.

Cette contrainte a-t-elle été plus grande qu'imaginée ou est-ce qu'assez rapidement elle vous a ouvert des champs inconnus ?

Au début, c'était très clairement une contrainte car, si j'avais eu au plateau dix danseurs voltigeurs, ça aurait peut-être été plus simple mais là, comme ce sont avant tout des danseurs – à part une professionnelle de danse verticale – il y a eu des adaptations. Il faut imaginer le contact des baudriers avec les agrès, ça frotte et peut être douloureux. Ça n'a pas été facile et, à un moment, ça pouvait même créer le doute à continuer ou pas car je les fragilisais.

Puis on s'est rendu compte que, par exemple, un danseur qui tourne sur une main va pouvoir aller encore plus loin sur la prouesse, sur le côté spectaculaire de son mouvement grâce à la suspension. Travailler sur des parois à six mètres du sol est aussi assez inattendu. Le spectateur peut avoir cette sensation de vol comme si le danseur avait des ailes dans le dos, mais ça je ne l'ai pas "eu" dans les premières semaines, il a fallu du temps pour que je gomme toute la lourdeur de l'agrès.

Mêler le hip-hop à la musique baroque, au numérique, ici à la verticalité a-t-il approfondi votre pratique de cette danse ou, au contraire, cela vous en éloigne ?

Il y a un peu des deux. Par moment, j'ai l'impression que ça sublime cette danse, que ça la met à un endroit où elle pourrait toujours surprendre. Ça m’intéresse. Bien sûr, certains diront que ce n'est plus du hip-hop mais si je faisais toujours la même chose qu'il y a trente ans, on ne serait pas là aujourd'hui. Quand on commence à créer un dialogue avec d'autres formes artistiques, l'approche évolue.

À vrai dire aujourd'hui, je ne me pose franchement pas la question de savoir si je suis encore à l'endroit du hip-hop ou pas. Ce dont je suis certain, c'est que je reste fidèle à ce qui me touche. Et je crois quand même que le vocabulaire hip-hop fait complètement partie de celui que j'utilise. Je le fais simplement dialoguer avec d 'autres esthétiques.

Ce spectacle travaille la verticalité mais aussi l'apesanteur, parfois même au ras du sol avec des danseurs suspendus. Comment cette idée de travailler avec les airs s'est-elle fait jour ?

Sur cette séquence que j'appelle "le siamois" où il y a des contrepoids entre les danseurs, ces derniers donnent l'impression de flotter. J'ai tenté de masquer les câbles qui les supportent. Habituellement, le danseur ne tient que quelques secondes en l'air. Cet agrès nous permet d'aller un peu plus loin et de développer encore un autre rapport entre les danseurs et avec le plateau, et de partager avec le public ce mouvement du corps qui n'est pas celui du commun des mortels.

Beaucoup de tableaux sont chorals et symphoniques. Quel récit vous êtes-vous fait ?

Je ne me raconte pas vraiment d'histoire. En général, je pars d'images et j'aime bien l'idée que chacun se raconte la sienne. Les retours du public que j'ai pu avoir depuis la diffusion du spectacle ont trait à l'idée de l'élévation, de toujours aller vers le haut. Il y a le sentiment d'être pris entre les colonnes du décor – ce pourrait être des tours – et puis l'idée de sortir vers le haut.

Le spectacle se termine avec une danse extrêmement dynamique avec des élastiques qui tirent les danseurs vers le haut. Il y a toujours cette volonté de montrer quelque chose de l'ordre du positif plutôt que le sombre ou le négatif. J'aime bien l'idée que le spectateur reparte avec quelque chose qui peut lui faire du bien.

Vertikal
À la MC2 du mercredi 9 au vendredi 11 octobre

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