Jean-Noël Scherrer (Last Train) : sa petite entreprise rock...

Last Train + Quintana dead blues experience + We hate you please die

La Belle Électrique

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Concert / Portrait / À bientôt 25 ans, Jean-Noël Scherrer assume la double casquette de leader du groupe Last Train et de directeur de l'agence lyonnaise Cold Fame, combinant avec un infatigable panache et une volonté farouche le rock et l'entrepreneuriat. Alors qu'est sorti en septembre dernier "The Big Picture", deuxième album de son groupe, et qu'il sera jeudi 7 novembre sur la scène de la Belle électrique, on lui a taillé le portrait.

Dans le dernier clip de Last Train, montage d'images réalisé par le guitariste Julien Peultier qui illustre The Big Picture, chanson-titre d'un deuxième album sorti en septembre, on peut voir le quatuor à différentes étapes de sa vie musicale, des premières répétitions alsaciennes aux concerts telluriques devant des foules immenses. On y voit surtout le chanteur Jean-Noël Scherrer électriser le public et le même, à 13 ans, martyriser une guitare trop grande pour lui dans quelque salon de rock'n'roll improvisé à la maison.

Peut-être le jeune garçon d'alors s'imagine-t-il, comme tous les ados du monde, dans la peau d'une rock star, leader, chanteur et guitariste d'un groupe qui compterait dans le paysage rock français et même au-delà. Mais ce que le novice d'Altkirch (Haut-Rhin) n'imagine alors sûrement pas, c'est qu'une décennie plus tard, il sera aussi dirigeant et/ou associé de cinq sociétés, formateur, intervenant du Chantier des Francofolies, et surtout patron de Cold Fame, agence de diffusion et de production de concerts basée à Lyon où Last Train a entre-temps migré. Encore moins recevoir le prix "La nouvelle onde" récompensant les jeunes entrepreneurs de la culture, ce qui fait sans doute de lui le seul chanteur de rock dans ce cas.

« À 150% plagiées »

Mais revenons en arrière. Au départ, le parcours est classique : le piano à six ans, dont l'apprentissage est rendu difficile par le fait que Jean-Noël Scherrer est viscéralement infoutu de lire la musique (« on a même cherché une école de musique qui n'impose pas le solfège », rigole-t-il) ; la découverte d'une guitare acoustique ; l'offrande d'un engin électrique à Noël (« le pack à 150 balles avec un petit ampli ») ; puis la rencontre en 2007 avec Julien Peultier, Timothée Gérard et Antoine Baschung ; et l'envie de faire du bruit ensemble le mercredi après-midi.

Aucun ne sait vraiment jouer mais les quatre, tout en se façonnant une culture rock, se font d'emblée les dents sur leurs propres chansons « à 150% plagiées sur tout ce qu'on écoutait à l'époque ». Et voilà Last Train qui, malgré son inexpérience, écume les bars des environs à un âge auquel on n'est pas encore autorisé à fréquenter les débits de boisson. Inséparables au point de suivre les mêmes études, les membres du quatuor ont tôt fait de balayer d'un revers de main leurs diplômes, Jean-Noël posant un ultimatum né d'une épiphanie. « J'ai le souvenir très précis d'être venu à Lyon voir Queens of The Stone Age et m'être dit que je voulais absolument faire ressentir à d'autres ce que j'avais ressenti ce jour-là. Je suis remonté en Alsace et j'ai dit : soit on s'arrête, je monte un nouveau truc et j'y vais à fond, soit on se prend six mois, et on se donne les moyens d'y arriver ensemble. » La deuxième option est privilégiée.

« On tient vraiment quelque chose qui soit nous »

À 19 ans, les musiciens ont déjà une expérience consommée de la scène, tout appris sur le tas, et empilé les erreurs à ne pas reproduire. Puis vient Fire en 2014, le morceau qui allume la mèche d'une carrière prometteuse. « Pour la première fois, on s'est dit : là on tient vraiment quelque chose, quelque chose qui soit nous », avance Jean-Noël. S'ensuivent des dizaines de concerts, des premières parties en cascade, les Bars en Trans, le Printemps de Bourges. Et le déroulement d'une stratégie consistant à tout faire soi-même.

Le déclic a lieu au détour d'une phrase qui allume quelque chose dans le cerveau de Jean-Noël : « Un jour, Jean-Luc Gattoni, de la Laiterie à Strasbourg, m'a dit qu'un groupe, c'était comme une entreprise, ça se gérait exactement de la même manière. Ça a changé l'histoire de Last Train. On est les meilleurs amis du monde, on rigole beaucoup, mais c'est aussi très sérieux et très cadré. Le fantasme du groupe qui compose un bon titre et part en tournée n'existe pas. Il faut se prendre en main et maîtriser les ficelles de l'industrie musicale. »

« Se sortir les doigts du cul »

C'est ce qu'il a fait en 2015 à Lyon en lançant Cold Fame, label puis agence de diffusion et de production de concerts. Mais il reconnaît, avec le recul, une grande naïveté originelle : « On ne connaissait rien de l'industrie musicale, des notions administratives, juridiques, fiscales. Quand on a créé Cold Fame, on ne savait même pas ce que c'était. On a découvert que c'était un métier et même plusieurs, alors qu'on voulait juste aider des groupes, à commencer par nous. » À l'époque Jean-Noël Scherrer et Julien Peultier, qui prendra plus tard du recul par rapport à Cold Fame, travaillent dans un fast food le jour et apprennent la nuit leur nouveau métier dans des bouquins. Le reste du temps, ils frappent à toutes les portes pour tisser un réseau aujourd'hui considérable. Le musicien se découvre ainsi sur le tas une passion pour l'entrepreneuriat qu'il définit prosaïquement comme « une manière de se sortir les doigts du cul ».

« C'est assez étrange de constater qu'en ayant la motivation, vouloir développer un groupe t'amène à de telles extrémités, ça donne le vertige et en même temps c'est très gratifiant. » Au point qu'à 24 ans (25 à la fin du mois), le patron de Cold Fame, qui s'occupe d'une quinzaine de groupes, distille son expérience et vulgarise son savoir dans des formations, à l'intention d'une nouvelle génération, la sienne, qu'il sait porteuse d'une nouvelle énergie à vouloir faire les choses par elle-même et à « transformer l'industrie musicale ». Manière comme une autre de changer le monde.

Last Train
À la Belle électrique jeudi 7 novembre à 20h


"The Big Picture" Show

Ah, ce satané deuxième album ! C'est peu dire que l'affaire n'a pas eu l'air d'effrayer les quatre Last Train qui, après un Weathering (2017) éruptif, avaient pu éprouver dans les nombreuses aventures qui ont suivi la matière d'un beau et long récit nommé The Big Picture. Et d'y trouver l'occasion de combler une frustration : celle de n'avoir pas pu traduire certaines des ambitions de son prédécesseur. D'élargir leur horizon pour ouvrir en grand les écoutilles rock aux assauts d'influences parfois contradictoires.

Cela donne un disque épique, cinématographique, violent (Disappointed) et mélancolique (The Idea of someone), infiniment romantique, aussi brut que parfois subtilement rehaussé des cordes de l'orchestre symphonique de Mulhouse et teinté de l'atmosphère sauvage du coin reculé de Norvège où il fut enregistré. Un disque monumental à l'image du troisième single tiré de l'album, odyssée de plus de dix minutes, en montagnes russes bagareuses et plaintives, dans la psyché d'un groupe alsacien qui atteint pour son deuxième long format des hauteurs insoupçonnées.

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