"Rose Valland, en quête de l'art spolié" : l'espionne qui aimait les oeuvres d'art

Rose Valland, en quête de l'art spolié

Musée Dauphinois

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Exposition / Figure atypique de la Résistance, originaire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, Rose Valland contribua à retrouver la trace de bon nombre d’œuvres d’art dérobées par les nazis. Organisée par le Musée dauphinois l’exposition « Rose Valland. En quête de l’art spolié », lui rend hommage et nous offre l’occasion de revenir sur son étonnante carrière.

La "mode" a parfois de bons côtés. Ces dernières années, il s’agit de redonner aux figures féminines la place qui leur revient. Rose Valland, avec la réédition de son autobiographie et la publication de nombreux livres qui lui ont été consacrés, fait partie des récentes bénéficiaires de cette tendance.

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Toutefois, il est nécessaire de mettre en perspective un autre élément de contexte historique qui a contribué à sa réhabilitation : depuis 1997, le gouvernement français a mis en place une véritable étude sur la spoliation des biens juifs en France, sujet auquel Rose Valland eut le courage de s’atteler dès le début des faits, alors même que la Wehrmacht occupait Paris et que sa possible défaite était de l’ordre de la science-fiction. Revenons brièvement sur le parcours exemplaire de cette isèroise de condition modeste pour mieux comprendre son engagement.

Entrée en résistance

Rapidement montée à Paris pour terminer ses études aux Beaux-Arts, Rose Valland mène conjointement un cursus à l’École des hautes études et à l’École du Louvre où elle soutient sa thèse. Dans un milieu encore largement dominé par les hommes, bien que bardée de diplômes, elle n’obtient en 1932 qu’un poste de secrétaire bénévole au Musée du Jeu de Paume, qui expose à l’époque ce qu’on appelle alors les écoles étrangères contemporaines.

Sa carrière va basculer lorsqu'en 1940, les nazis réquisitionnent cet établissement pour y stocker les œuvres d’art volées aux familles juives. Seul personnel scientifique resté sur place, désormais attachée de conservation, Rose Valland entreprend de profiter de sa situation pour identifier les œuvres qui transitent par le Jeu de Paume et localiser leur provenance ainsi que leur destination. Discrète et peu loquace, la jeune conservatrice attire peu l’attention de l'occupant, qui ignore par ailleurs qu’elle maîtrise sa langue. La spoliation des biens juifs est une véritable entreprise secrète mise en œuvre par les nazis dont Rose Valland, grâce à son travail d’espionnage de longue haleine, contribue à saisir l’ampleur. En août 1944, elle informe la Résistance du départ imminent d’un train chargé d’œuvres d’art, que les nazis, dans un élan de désespoir, destinent à l’Allemagne avant que Paris ne soit libérée. Grâce à ces informations, le train sera finalement bloqué en banlieue parisienne et les œuvres récupérées.

Après ce travail d’espionnage entrepris dès le début de l’Occupation, Rose Valland est nommée, à la sortie de la guerre, secrétaire de la Commission de récupération artistique (CRA), ce qui l’amène à sillonner l’Allemagne et l’Autriche à la recherche des œuvres d’art spoliées et de certains responsables. En à peine cinq années, le travail considérable de cette commission permet de remettre la main sur près de 60 000 biens culturels.

De la reconnaissance aux oubliettes de l’histoire

Au terme de cette période particulièrement intense et malgré les honneurs et de nombreuses distinctions honorifiques, Rose Valland sera toujours un peu mise à l’écart et entravée dans sa possible carrière de conservatrice. Quelques moments de gloire médiatique surviendront au début des années 1960 avec la publication de son livre Le Front de l’art et l’adaptation hollywoodienne de l’épisode du train évoqué précédemment, mais ceux-ci ne suffisent pas à empêcher son nom de tomber dans l’oubli – probablement aussi parce que dans les années 1960, on préfère se tourner vers l’avenir plutôt que de remuer les souvenirs de cette guerre d’un autre temps.

Si, depuis le début des années 2000, Rose Valland sort peu à peu de l’oubli, c’est, entre autres, grâce au travail remarquable de l’association "La mémoire de Rose Valland" qui a largement incité à la revalorisation de son action et contribué à la faire connaître. Dernier événement dont l’association est partenaire : l’exposition qui vient d’ouvrir ses portes au Musée dauphinois, pour laquelle elle a fourni de nombreux documents et qu’on vous invite fortement à visiter !

Rose Valland en quête de l'art spolié
Au Musée dauphinois jusq'au 27 avril


L’art de l’enquête

Si l’exposition du Musée dauphinois a le mérite de faire connaître le parcours et le travail remarquable de Rose Valland, il faut bien reconnaître que, dans sa première partie, elle a un peu de mal à proposer une muséographie palpitante. La scénographie à base de reconstitutions un peu faiblardes (l’intérieur de sa maison de famille, la façade du Jeu de Paume...) compense difficilement le peu de documents ou d’œuvres originales qui nous sont proposés. On est majoritairement environné de reproductions de photographies, de fac-similé d’articles de journaux et de quelques documents certes d’une grande valeur (les notes de Rose Valland) mais relativement illisibles. C’est véritablement dans la seconde partie que l’exposition prend sa pleine mesure en faisant le choix de se concentrer sur les enquêtes menées par Rose Valland au sein de la CRA, puis par les équipes désormais en charge les dossiers relatifs aux œuvres spoliées.

Pour l’occasion le musée a rassemblé une dizaine de toiles qui sont confiées aux musées nationaux mais dont on n’a, jusqu’à présent, pas retrouvé les ayants droit. Présentés dans des vitrines dont le visiteur peut faire le tour, ces tableaux dont on peut donc voir le recto aussi bien que le verso, sont accompagnés de notices qui expliquent les indices permettant de reconstituer leur parcours : inscriptions, tampons, numéros d’inventaires... En mettant en regard ces indices et différents documents qui attestent des multiples mouvements de ces œuvres à une époque où rien de tout cela n’était numérisé, le musée met en avant le travail considérable des enquêteurs et la nécessaire coopération internationale qui permet de mener à bien cette entreprise de restitution dont Rose Valland fut pionnière.

Plus loin, quelques œuvres récemment restituées à leurs propriétaires légitimes sont présentées dans un salon dont certains murs dénudés nous rappellent que beaucoup d’œuvres sont encore introuvables. Enfin, des extraits de journaux et une vidéo renvoient aux découvertes toutes récentes d’œuvres spoliées : quatorze peintures précieusement conservées dans un coffre en Suisse par Bruno Lhose, conseiller en art de Goering décédé en 2007 et dont Rose Valland a croisé plusieurs fois la route, ou encore, découverte en 2011, l’ahurissante collection de 1400 œuvres que le fils d’un marchand d’art proche des nazis planquait chez lui !

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