Exposition / Présentées au Vog de Fontaine, les œuvres photographiques et filmiques de Delphine Balley nous plongent dans un univers inquiétant où se jouent d'étranges rituels : mises à mort symboliques, lutte contre les esprits, passages entre les mondes.
Les artistes sont souvent nourris de passions qui peuvent parfois virer à l'obsession, et si Delphine Balley, photographe drômoise née en 1974, a toujours porté un vif intérêt pour les rituels et les traditions populaires, il semble bien que sa passion orgiaque pour le carnaval hante les photographies et le film présentés au Vog
Le rituel protéiforme du carnaval émane originellement de peurs qui saisissaient nos ancêtres au cœur de l'hiver : que la nuit prenne définitivement le pas sur le jour, que la terre ne soit plus jamais fertile et que l'esprit des morts non enterrés à cause du gel nous hante à jamais. Mettant en scène un réel qui nous échappe autant qu'il nous fascine, le moment du carnaval est l'occasion d'interroger les normes, de renverser les codes, pour ensuite mieux refonder le monde avant l'arrivée du printemps.
Fourrures et clairs-obscurs
Profondément nourrie par ses lectures au sujet de ce rite ancestral, Delphine Balley parvient, sans être dans l'illustration, à mettre en scène des gestes et des rituels aussi captivants qu'incompréhensibles. Ainsi, ses œuvres possèdent une profondeur qui permet au visiteur (à condition qu'il l'accepte) de se laisser porter par cet univers habilement mis en scène par l'artiste, exactement comme il le ferait s'il découvrait un rituel inconnu. Les fourrures, bijoux et animaux morts sont autant d'indices récurrents dont on imagine le rôle symbolique au fur et à mesure que se tissent des liens entre les images.
Dans de sobres mises en scène, les adolescents androgynes de la série photographique tout en clairs-obscurs semblent jouer des rituels de passage (enfant/adulte, homme/femme) tandis que, dans le film aux tonalités surréalistes, deux mondes se jaugent, l'un naturel et bestial, l'autre beaucoup plus policé mais finalement tout aussi violent Les regards prédateurs des uns et des autres rejouent un cirque social guindé qu'une jubilatoire comptine aux paroles graveleuses vient contrecarrer. Fascinant !
Charivari de Delphine Balley
Au Vog (Fontaine) jusqu'au 12 janvier