"Le Lac aux oies sauvages" : pêche à l'homme

De Diao Yinan (Chi., avec avert. 1h50) avec Hu Ge, Gwei Lun Mei, Liao Fan…

Une guerre des gangs de voleurs de motos laisse Zhou Zenong blessé et en cavale dans la région du Lac aux oies sauvages, traqué par les hommes du capitaine Liu. Alors qu’il s’attend à retrouver son épouse Yang Shujun, c’est une mystérieuse prostituée, Liu Aiai, qui est au rendez-vous…

Aux dires des festivaliers, Diao Yinan était le plus sérieux compétiteur de Bong Joon-ho sur la Croisette cette année. Précédé de l’aura de sa précédente réalisation et Ours d’Or 2014, Black Coal, Le Lac aux oies sauvages pouvait bénéficier d’un a priori favorable. Mais, suivant l’adage vaticanesque appliqué à Cannes, un palmé putatif durant la Quinzaine se retrouve souvent fort dépourvu au palmarès ; Diao est donc reparti bredouille. La sortie de son film en salles devrait lui permettre de se rattraper.

Car il s’agit d’un thriller haut en couleur. Pas uniquement du fait de sa somptueuse photographie magnifiant les séquences nocturnes illuminées aux néons, dans de subtils jeux d’alliances chromatiques. Mais également par sa construction à la linéarité non strictement euclidienne, où le présent subit d’entrée les contrecoups d’un passé sanglant, déployé dans de minutieux flashbacks. Diao Yinan possède l’art de raconter ; et s’il s’amuse à jouer sur l’allusif en composant des échos entre la pègre et la police dans leur exercice du contrôle urbain, il sait aussi régler des séquences nerveuses à la limite du gore que ne renierait pas Kim-ki duk. Pour autant, Le Lac aux oies sauvages ne se cantonne pas à une traque mâtinée de traîtrise et de revanche : il s’agit aussi d’une belle histoire sur le renoncement, l’abnégation et le sacrifice, Zhou étant prêt à se livrer à la police à condition que son épouse (de laquelle il est séparé) empoche la récompense promise pour sa capture. L’amour vogue parfois à bord d’inattendues embarcations…

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