"Prends ce récif pour barricade". Sous ce titre aussi poétique qu'énigmatique, Chloé Devanne-Langlais propose au Vog une exposition-installation qui nous projette dans le monde d'après : celui où seul les récifs pourront encore nous abriter.
En travaillant avec des matériaux de rebut, associant l'anguleuse sécheresse d'un plexiglas à l'organique présence de plantes, confrontant la gravure manuelle à celle d'une machine au laser, le travail de Chloé Devanne-Langlais peut gentiment déboussoler le néophyte qui passe la porte du Vog. La diversité des matériaux un peu foutraques donnent au premier abord l'impression d'une dispersion anarchique. Puis, peu à peu, cheminant dans l'espace, le regard s'accommode et cet ensemble hétéroclite révèle sa cohérence. L'exposition apparaît comme une sorte de grande installation qui nous plonge dans un univers à la sensibilité surréaliste où les références aux récits mythologiques flirtent avec une esthétique de la récupération. « J'aime bien les objets qui ont vécu, qui portent en eux une histoire. Mais si je récupère des matériaux, c'est également que je suis attentive dans ma production à ce que ce soit logique d'un point de vue écologique. » Il en va de même des plantes présentes dans l'exposition et qu'elle a récupérées à proximité, sur les rives du Drac. « La nature a toujours du mal à survivre dans les espaces d'exposition. Du coup, je me suis demandé si ces plantes rudérales (les "mauvaises" herbes) pourraient s'y épanouir. »
Mutation des corps
Au fur et à mesure qu'il arpente l'exposition, le visiteur découvre tout un tas de détails, de discrètes gravures sur plexiglas transparent, de petites sculptures en terre glaise ou en résine sur lesquelles affleurent des représentations en bas-relief. On y discerne des figures mythologiques (Narcisse, Atlas...) mais aussi des saynètes contemporaines. Le travail de la jeune diplômée des Beaux-arts d'Annecy interroge les réalités contemporaines et tout particulièrement la place des technologies et la manière dont elles participent à une mutation de nos corps et de nos esprits. Ainsi, les sculptures de mains déformées réalisées à l'imprimante 3D renvoient à la manière dont la manipulation constante des écrans influe sur nos gestes, génère de nouvelles postures, de nouveaux automatismes. Et finalement, comment en nous assistant toujours plus, ces technologies nous rendent surtout plus incompétents, dépendants de leur usage et donc consommateurs. Enfin, introduite par deux webcams s'observant dans le creux de l'objectif, la dernière salle présente une installation où un couple de figures mécanomorphes est entouré d'une assemblée de petits personnages qui, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne communiquent pas entre-eux mais s'agitent dans une sorte de monologue avec leur smartphone.
Prends ce récif pour barricade. Chloé Devanne-Langlais, au Vog (Fontaine), jusqu'au 31 octobre