Malgré le couvre-feu culturel imposé par le gouvernement, il y a encore moyen de trouver sur le territoire grenoblois quelques expos à se mettre sous la dent. Le Vog bénéficiant d'être assimilé à la médiathèque municipale, le visiteur curieux peut actuellement y découvrir l'exposition de la photographe Yveline Loiseur, une énigmatique déambulation entre présence, absence et disparition.
Au début du XIXe siècle, le peintre romantique Gaspar David Friedrich livre une idyllique représentation des falaises calcaires de l'île de Rügen que contemplent, au premier plan de sa composition, quelques randonneurs fascinés par ce spectacle grandiose. C'est sur une représentation toute autre de cet environnement naturel singulier que s'ouvre l'exposition du Vog. Au blanc immaculé des reliefs acérés que le peintre romantique faisait ressortir grâce à un cadre de verdure vivifiant, Yveline Loiseur oppose la grisaille minérale abrasive d'un éboulis calcaire au milieu duquel de timides pousses végétales tentent péniblement de survivre. Une vision renversée, où le froid constat de la désagrégation de notre environnement naturel succède à la fascination dont la nature était sujette il y a deux siècles, au point d'entrée de ce qu'on appelle désormais l'anthropocène.
Toute en nuance de gris, c'est également à un monde révolu que renvoie la seconde série d'images. D'anciens lits d'hôpitaux sont photographiés dans un cadre relativement serré de façon à ce que notre regard se porte sur des détails de leur confection : la couture des rideaux, le tissage du drap, les broderies des oreillers. Toutes ces subtiles variations qui diffèrent d'un lit à l'autre nous rappellent qu'à une époque, même les environnements aseptisés des milieux hospitaliers n'étaient pas standardisés, uniformisés comme le sont désormais le moindre de nos espaces de vie quotidiens. À cette série de lits vides succèdent plusieurs séries dont les fantômes semblent hanter les images : que ce soit par les effets spectraux de la double exposition photographique dont Yveline Loiseur joue à merveille ou bien par d'élégantes mise en scène de figures enfantines dont le regard absent semble suspendu entre deux mondes. Des images de plus en plus rares d'une enfance qui s'autorise à rêver, à s'ennuyer et même à méditer, loin de l'agitation stérile du monde des adultes et de la fascination béate pour les écrans. Bon, on s'arrête là : on va finir par penser qu'on est de gros réac... mais ce n'est peut-être pas totalement faux !
Les horizons pâlis (Yveline Loiseur) au Vog (Fontaine), jusqu'au 23 janvier