Boire et déboires des micro-brasseurs grenoblois

Le marché des bières artisanales n’est plus ce qu’il fut depuis que le coronavirus dicte ses périodes d’ouverture aux bars et aux restaurants. Les micro-brasseurs locaux, touchés mais pas coulés, préfèrent voir le verre à moitié plein et fondent leurs espoirs sur une évolution positive de la situation sanitaire et le beau temps qui annonce de nouvelles soirées mousse. En attendant, la vente à emporter les aide à passer cette période compliquée. Après notre épisode 1 au Ptit Labo, on vous donne d’autres bons tuyaux.

Chez Docteur D : le malade boosté par Vitamine C

À la fois brasseur et bar, comme le Ptit Labo, Docteur D écoulait l’intégralité de sa production dans la vente de bière à la pression. La fermeture de son établissement l’a obligé à trouver un système D pour liquider ses brassins et faire face aux charges de son commerce. Damien Veau, le gérant, a investi dans une unité d’encanettage afin de pouvoir proposer de la vente à emporter. « Les canettes conservent mieux les propriétés organoleptiques de la bière et le bilan écologique est meilleur que le verre, même recyclé », assure Damien, qui s’est associé au studio graphique grenoblois Vitamine C pour créer les étiquettes correspondant aux différentes recettes. La vente à emporter lui permet de maintenir une toute petite partie de son activité. « J’ai brassé seulement deux fois depuis le deuxième confinement. Cela correspond à une chute de 90% de ma production habituelle ». Heureusement, les habitués du bar sont restés fidèles à l’enseigne. « Certains clients viennent clairement pour me soutenir. C’est un achat solidaire mais ils sont aussi contents de pouvoir faire déguster mes bières à des non-habitués. Cela me fait une bonne pub », explique Damien Veau qui poursuivra la vente à emporter même quand son bar retrouvera une activité normale. « Maintenant que les étiquettes sont faites, ce serait dommage de laisser tomber ».

Docteur D. Vente directe : mercredi et jeudi de 12h à 14h, et vendredi de 12h à 17h45 / 2 rue Pierre-Duclot à Grenoble

La brasserie Flore sous pression

« J’avoue que mon démarrage est compliqué », déplore Olivier Coponet, à la tête de la brasserie de Flore. Fin septembre, il rachetait à Renaud Maury la micro-brasserie La Dourbie située à Fontaine. Le voilà jeune gérant de son propre établissement. Un rêve qui s’assombrit quand est annoncé le deuxième confinement en octobre alors qu’il vient de terminer son premier brassin. Ses bières sont embouteillées début décembre 2020 mais avec les bars et les restaurants fermés, les ventes ne décollent pas. Sa présence sur le marché de Fontaine et la vente à emporter lui permettent d’en écouler une partie et de recueillir des retours très positifs de ses clients. « Mais je suis loin des objectifs. Normalement quand on commence une activité de micro-brasserie, il y a une petite période plate puis une croissance exponentielle. Là, après 5 mois, je n’ai même pas dépassé la période plate ». La capacité de production est sous-exploitée et Olivier Coponet espère un retour à la normal d’ici avril sinon, assure-t-il, « ça va être compliqué pour l’avenir de la brasserie ».

Flore. Vente directe : vendredi et samedi de 14h à 18h / 2 rue Baptiste-Marcet à Fontaine

Maltobar : 77% de malchance

« On est en difficulté, mais on arrive toujours à vendre de la bière », indique Quentin, l’un des deux brasseurs de Maltobar. « Nous sommes tout petits dans le milieu de la micro-brasserie mais nous avons la chance d’avoir une grosse clientèle de particuliers ». Moins dépendante des bars et des restaurants, la micro-brasserie de la rue Très-Cloîtres a tout de même vu son chiffre d’affaires 2020 diminuer de moitié. Elle ne pourra pas toucher une bonne partie des aides auxquelles elle espérait pouvoir prétendre : « Les conditions pour les recevoir étaient une baisse de 50 % de notre chiffre d’affaires en 2020 et de 80% lors du premier confinement. Or nous avons fait “que ” moins 77% en mars et avril », explique Quentin. Ce n’est pas le principal souci : en janvier 2020, son associé Benoît et lui ont signé un bail pour un local où devait prendre place leur projet de bar “Le commun des mortels”. Tout était planifié : 4 mois de travaux, puis une ouverture prévue pour avril ou mai. « Le bar n’a jamais pu ouvrir. Et vu que nous n’avions pas d’antécédent de chiffre d’affaires, nous ne pouvions même pas prétendre à des aides. En attendant, nous payons un loyer et des charges, et cela nous met bien dedans ». Le projet n’est pas abandonné pour autant ! Habitué à écouler ses bières en vente directe et sur les marchés, Maltobar a multiplié ses canaux de vente en proposant un service de livraison à domicile à vélo. « Il suffit d’avoir un certain volume de commande, très modeste, et nous réalisons une livraison gratuite à vélo dans l’agglomération, avec des tarifs avantageux sur les bières ».

Maltobar. Vente directe : Mercredi, vendredi et samedi à partir de 13 heures / 10 place Edmond Arnaud à Grenoble. Sur le marché Hoche le samedi matin et le marché Île Verte le dimanche.

Irvoy : la mousse tique

Suzy Rolland, une des gérantes de la brasserie Irvoy, ne cache pas ses craintes : « Nous n’arriverons pas à dépasser le mois de septembre si la situation perdure ». La brasserie fait partie de celles qui réalisaient l’essentiel de leur chiffre d’affaires avec la vente de fûts aux bars et aux restaurants. « C’était 70% de notre production. Tout s’est stoppé immédiatement. Et même si la part des ventes en bouteille est passée de 30% à 50%, cela ne suffit pas pour être viable », estime Susy qui n’a pas trouvé de solutions palliatives. « Nous ne pouvons pas travailler avec des centrales d’achat. Notre prix de revient est trop élevé, nous n’avons pas la bonne taille pour cela. » La production a fortement diminué, ce qui ne suffit plus pour payer les charges et les emprunts de l’entreprise. « L’aide qui nous a été accordée ne couvre même pas notre loyer », déplore Suzy qui, de temps à autre, décroche son téléphone pour répondre aux demandes des clients souhaitant s’approvisionner directement à la brasserie. C’est l’une des solutions développées par Irvoy avec la livraison à domicile. Une ressource insuffisante pour entrevoir l’avenir sereinement.

Irvoy. Vente directe : appeler Suzy Rolland au 06 51 54 42 61 pour commander et prendre rendez-vous.

Edmond est pas malt

Après avoir rencontré une majorité de brasseurs artisanaux mal en point, nous sommes tombés sur Émilie Yana, plutôt contente et optimiste. Il y a un an et demi, elle lançait avec son compagnon Sébastien Dué la marque de bière artisanale sans alcool Edmond. Et son constat est assez positif : « Certes, nous n’avons pas eu la croissance espérée, mais nous n’avons pas non plus réalisé de pertes. » Peu développées dans les bars et les restaurants qui ont tous fermés, les ventes ont pu se poursuivre dans les caves et les épiceries où la marque était implantée, mais aussi grâce à la société Dauphi Bières, un distributeur local de bières artisanales. « Ils ont proposé au premier confinement une box solidaire qui a très bien marché », se réjouit Émilie, qui projette même de passer au niveau supérieur. « Quand nous avons lancé notre marque de bières sans alcool, c’était un test. Nous n’avions pas de modèle car nous étions les seuls en France à proposer une bière sans alcool qualitative. Les débuts satisfaisants nous encouragent à nous développer ». Coup de pouce inespéré : un article dans Bière magazine qui, après un sondage auprès des cavistes et de biérologues, classait Edmond parmi les brasseurs à suivre en 2021. « Nous avons reçu beaucoup de demandes après cette publication ». En attendant, Edmond poursuit la vente directe et le click’n collect, supports de vente développés pendant le premier confinement et qui satisfont les deux gérants : « Nous pouvons aller à la rencontre des consommateurs, chose que nous n’avions pas eu le temps de faire avant. Beaucoup nous ont soutenus pendant le premier confinement. »

Edmond. Vente directe, click’n collect et points de vente sur www.edmondbieres.com

Arav’ : il était un fût

Ancien brasseur pour la brasserie du Chardon à Crolles, Timothée Ropiot a souhaité s’installer à son compte après la retraite de ses patrons. Sa brasserie se nommera Arav’. Un projet prévu pour fin 2021. Courageux ! En attendant, c’est un brasseur nomade : il loue le matériel dont il a besoin auprès des micro-brasseries locales. « C’est un moyen de se lancer et de gagner en notoriété et en crédibilité sans trop investir au départ ». Du coup, la crise sanitaire a eu des impacts limités sur son activité grâce aux faibles charges qui pèsent sur l’activité. « Le problème, en revanche, ce sont les fûts de bières qui ne s’écoulent plus et qui sont bientôt périmés ». Les ventes de bière en bouteilles chez les spécialistes et les épiceries se sont quant à elles maintenues. « Mon chiffre d’affaires, en hausse avant le COVID, s’est stabilisé. J’aurais espéré mieux mais je ne suis pas dans le pire des cas ». Timothée a développé la livraison à domicile lors du premier confinement. Un succès quand les Grenoblois ne pouvaient plus bouger de chez eux, mais peu profitable par la suite. Sa présence sur le marché de l’Estacade depuis le premier confinement lui permet de développer une relation directe avec ses clients. Parallèlement, un site de vente en ligne sera lancé très prochainement. Un signe encourageant pour tous.

Arav’. Liste des revendeurs sur www.aravcraftbrewery.com

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