Dix ans de cinéma à la Villeneuve

A l’occasion de la première édition de leur Cinéma de quartier, ce samedi 16 octobre au Théâtre Prémol, retour, en compagnie de leur cofondateur Naïm Aït-Sidhoum, sur le parcours atypique entamé il y a maintenant plus de dix ans par l’équipe des Films de la Villeneuve.

Pour les Films de la Villeneuve, tout commence en 2010, lorsque la Ville de Grenoble lance un appel à projets dans le cadre du renouvellement urbain du quartier. L’objectif : mener un projet artistique in situ pendant deux ans qui fasse participer les habitants. « C’est à ce moment-là que j’ai constitué une équipe », explique Naïm Aït-Sidhoum. « Faire des films était déjà dans notre pratique, et j’avais en tête une expérience de télévision communautaire qui avait été menée de 1972 à 1976, la Vidéogazette, dont les contenus étaient fabriqués avec et par les habitants. L’idée c’était donc de se demander la forme que pourrait prendre un tel projet en 2010 avec les moyens techniques d’aujourd’hui ».

Naît ainsi la volonté de filmer des œuvres de fiction en compagnie des habitants, mais qui s’adresseraient à tout le monde. Un pas de côté conséquent par rapport aux projets concurrents, plus orientés sur la création d’un événement dans l’espace public, et qui aurait pu jouer en défaveur de la jeune équipe. Mais pendant l’été 2010, à la suite du braquage du casino d’Uriage, l’un des fugitifs est abattu à la Villeneuve par la police. Des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre s’ensuivent, l’affaire connaît une médiatisation nationale et pour les élus locaux, l’enjeu de la jeunesse devient une priorité. « C’est pour ça que la Ville nous a sélectionnés », explique Naïm.

Caméra au service des habitants

Dès son arrivée dans le quartier, l’équipe prend la décision consciente de ne pas « s’afficher avec des banderoles sur la place publique », et de privilégier une approche de long-terme, en vivant au milieu des habitants et en liant connaissance avec les uns et les autres progressivement, de manière à s’inscrire plus naturellement dans la vie du quartier. Alors que la diffusion d’un reportage télévisé sensationnaliste complexifie encore la présence de la caméra sur place, celle de l’équipe des Films de la Villeneuve est mise au service des habitants, sert à « tourner des clips de rap, à filmer le club de foot, le dojo… »

Mais si l’inscription dans la vie du quartier porte progressivement ses fruits, le projet initial de donner naissance à une série télé par le biais d’un premier pilote n’aboutit pas à un résultat satisfaisant : « Au bout de deux ans, on n’en était encore qu’au stade d’esquisser ce que l’on était capables de faire ». Le tournant va alors se faire en deux étapes : la première consiste à reconnaître que le projet va nécessiter encore du temps, beaucoup plus de temps. La deuxième à inviter un cinéaste à réaliser un film, de manière à pouvoir bénéficier d’un regard extérieur.

De la Villeneuve à Cannes

C’est le début de l’aventure Guy Moquet, un moyen métrage réalisé et tourné à la Villeneuve par Demis Herenger avec des jeunes du coin, et produit par les Films de la Villeneuve. Une histoire simple dans laquelle un jeune homme promet à sa soupirante de l’embrasser au crépuscule au beau milieu du quartier, provoquant des remous au sein de leur entourage respectif, peu habitué à de telles effusions romantiques.

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, sélectionné aux Césars, primé dans de nombreux festivals et projeté sur France Télévisions, le film va asseoir la crédibilité du collectif auprès des habitants comme des institutionnels mais surtout lui apprendre à tourner des films « à la bonne échelle par rapport au quartier » et aux moyens dont il dispose.

Une leçon dont saura tirer profit Naïm qui passe à son tour à la réalisation avec Africa, tourné avec peu ou prou le même noyau dur d’acteurs dans l’enceinte de l’Espace 600, le théâtre de la Villeneuve. Un autre moyen-métrage, qui raconte l’échec programmé d’une collaboration autour de la création d’un spectacle entre un metteur en scène venu de l’extérieur (interprété par Demis Herenger) et une trentaine d’habitants du quartier. Les multiples jeux de mise en abyme sont bien sûr saisissants et Africa connaît également un bel accueil dans de multiples festivals, confirmant la validité de la direction prise.

Un nouveau tournant

Le projet suivant, Hommage à Kunta Kinté, de nouveau tourné par Naïm Ait-Sidhoum et issu d’une proposition de Teddy Lukunku, déjà acteur de premier plan dans Guy Moquet et Africa, va néanmoins marquer un nouveau tournant. Dénué de paroles, et mettant en scène de jeunes gens costumés en esclaves et esclavagistes au beau milieu du Parc de la Villeneuve, le film élève ses personnages au rang d’icônes mythologiques dans un récit qui flirte avec l’abstraction pure. Terminé en 2020, mais encore jamais projeté en public, pandémie oblige, le film sera présenté aux côtés de quatre autres œuvres inédites (et pour certaines encore inachevées) du collectif dans le cadre de la première édition de son Cinéma de quartier. Egalement au programme de cet après-midi de projection au Théâtre Prémol, deux courts-métrages proposés par la Cinémathèque de Grenoble, dont le très beau Kindertotenlieder de Virgil Vernier, réalisé à partir d’archives télévisuelles des soulèvements en banlieue de l’année 2005, ainsi qu’une sélection de cinq films proposés par le festival Cinébanlieue.

Cinéma de quartier, samedi 16 octobre à partir de 14h au Théâtre Prémol, réservations conseillées.

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