Voguing et waacking, danses de résistance

Voguing, waacking - À nos corps engagés, pratiques de bal

Le Pacifique CDCN

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Samedi 23 octobre, le Pacifique propose une soirée dédiée au voguing et au waacking, deux formes de danse underground nées aux Etats-Unis au sein des communautés LGBT noires et latinos. L’occasion pour nous de revenir sur la culture qui les entoure et le contexte qui leur a donné naissance.

Si le waacking et le voguing n’ont pas la même origine géographique ni temporelle (le premier est né dans les années 1970 à Los Angeles dans des clubs disco comme le Dino’s ou le Paradise Ballroom et le second à New York dans les années 80 au sein de la scène ballroom de Harlem), ils n’en partagent pas moins de nombreuses caractéristiques communes. « Ces danses sont toutes les deux issues de la même communauté LGBT afro-américaine et latina », explique Prince Paul, danseur de waacking qui interviendra au Pacifique, « comme une réponse à différentes formes d’oppression : les premiers danseurs de waacking comme Arthur, Tinker, et Andrew par exemple, étaient connus sont le nom de "punkers". A l’origine, le terme "punk" était un synonyme de "faggot", une insulte envers les homosexuels qu’ils se sont réappropriés, en retournant le stigma dans une expression artistique d’ "empowerment" ».

Issues des classes les plus stigmatisées et défavorisées de la population, ces danses urbaines se sont ainsi construites dans l’ombre, à l’abri des regards extérieurs, en détournant les codes d’une forme d’élégance, de glamour et d’opulence traditionnellement associées aux classes supérieures blanches dont elles étaient exclues pour mieux se les réapproprier. Dans le voguing, c’est ainsi les poses iconiques des mannequins et plus largement l’univers du luxe et des magazines de mode qui vont servir d’inspiration aux mouvements de danse, tandis que le waacking emprunte lui sa gestuelle affectée « au cinéma muet et aux grandes divas du cinéma hollywoodien comme Greta Garbo, Marilyn Monroe, Gloria Swanson, Joanne Crawford… » ainsi qu’à des figures de la pop culture de l’époque, comme « Bruce Lee ou les bandes dessinées de Batman ».

Deux styles distincts

Tout à la fois moyen d’expression, d’émancipation, de sublimation et d’affirmation pour des communautés subissant au quotidien racisme et homophobie, voguing et waacking partagent donc un ancrage social, culturel et politique implicite très fort, mais se distinguent néanmoins sur certains points. Comme l’explique Prince Paul, « pour moi la différence principale entre le voguing et le waacking, c’est que le waacking est une danse "sociale", pour communiquer avec les gens sur le dancefloor, partager ce que l’on aime et ce que l’on est : bien sûr il y a certains éléments techniques, mais pour moi, le plus important, c’est avant tout d’être totalement soi-même. C’est une danse née avec la disco, mais c’est vraiment ce que la musique fait ressortir de nous qui crée l’essence du waacking ».

Basé sur des codes et un vocabulaire extrêmement élaborés, le voguing privilégie à l’inverse la notion de "battle" et se danse sur une musique souvent plus heurtée et plus synthétique. Réunis en différentes "familles" de substitution (les houses), les participants défilent sur un catwalk et s’affrontent à tour de rôle dans une compétition féroce mais amicale, subdivisée en différentes catégories thématiques. Ils sont jugés par leurs pairs en fonction d’une myriade de critères distincts (attitudes, danses, habillement et maquillages…). Longtemps restés confinés dans l’underground, voguing et waacking n’en ont pas moins progressivement gagné en reconnaissance au fil des années, débordant de leur environnement natal pour infuser leur esthétique hors-norme dans la culture mainstream, tout en prenant bien soin de ne pas voir leur identité diluée dans le processus. Une dimension que semble avoir soigneusement prise en compte l’équipe du Pacifique pour concevoir cette soirée dédiée tout entière « aux corps engagés ».

Pratiques de bals

Créée en écho à l’exposition Vous n’irez plus danser ! Les bals clandestins 1939-1945 actuellement présentée au Musée de La Résistance et de la Déportation de l’Isère, l’évènement Voguing, waacking. A nos corps engagés, pratiques de bal du Pacifique mettra à l’honneur un autre type de bal clandestin. Conçue avec l’aide de la drag queen Borderline qui jouera le rôle de MC aux côtés de Max Miller, cette soirée immersive permettra ainsi de découvrir les univers du voguing et du waacking aux travers de performances de Kendall Mugler, Mother de la House of Miyake Mugler Europe, Juahna G. O’pulence, Mother de la House of O’Pulence, ou encore Prince Paul de la compagnie La Piraterie, tandis que la drag lyonnaise Fleur VonLear officiera en tant que DJ.

« L’idée, c’est de reprendre ce format des bals indissociable de la scène ballroom et de redonner leur légitimité à des formes de danse dont l’impact a été très influent sur la danse contemporaine », explique Camille Planeix du Pacifique. « On n’est donc pas dans un spectacle où on s’assoie et on regarde, mais bel et bien partie prenante de la performance qui est en train de se dérouler : il va y avoir un défilé avec différentes catégories, mais aussi des espaces de danse tout autour… On a vraiment beaucoup réfléchi, avec l’aide de Borderline, à la bonne manière d’accompagner, d’embarquer et de sensibiliser le public, de manière à n’exclure personne et à ce que chacun se sente bien. C’est aussi pour ça qu’on propose des ateliers d’initiation à partir de 17h, qui vont un peu servir de porte d’entrée à la soirée ».

Voguing, waacking. A nos corps engagés, pratiques de bal, samedi 23 octobre à 19h au Pacifique

Workshop d’initiation au waacking avec Prince Paul, samedi 23 octobre à 17h au Pacifique

Workshop d’initiation au voguing avec Kendall Mugler, samedi 23 octobre à 17h au Pacifique (COMPLET)

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