Lundi 24 avril 2023 On dit de l’humour qu’il est « la politesse du désespoir » ; il est aussi un formidable remontant autant qu’une incomparable récompense lorsque le moral a subi des effets yoyo. Parfait, donc, pour conclure cette saison du Ciné-Club.
Antonin Peretjatko : « Je suis prêt à remettre le couvert avec Josiane Balasko »
Par Vincent Raymond
Publié Lundi 29 novembre 2021
Photo : © Atelier de production / Orange Studio / Auvergne Rhône Alpes Cinéma
Entretien / Une guichetière épouse un fils de famille et éprouve l'hostilité continue de la revêche “Reine Mère” déçue par cette mésalliance. Tel est le point de départ de la nouvelle comédie burlesque du Grenoblois Antonin Peretjatko, en partie tournée à Lyon avec Josiane Balasko. Rencontre...
Était-il facile pour vous de composer un personnage aussi détestable que celui de cette “Reine Mère” ?
Josiane Balasko: Oh, c’est amusant ! Faire “semblant de”, comme les enfants qui jouent au gendarme, ou au théâtre où l’on gueule sur scène, c’est pas pour de vrai… Entrer dans un personnage qui n’est pas le mien et jouer ce qu’il y a à jouer, c’est ça que j’aime. Mais il faut qu’on ait l’impression que c’est pour de vrai ! Le truc amusant en plus ici, c’est que c’est un personnage de bourgeoise, très riche, avec des bijoux, qu’elle vit dans une maison incroyable.
Justement, cette maison, plus qu’un décor, est un élément central du film…
Antonin Peretjatko : On l’a trouvée vers Lyon, après une recherche basée autour de l’époque. Et ce n’était pas du tout ce que j’imaginais au départ — à savoir un intérieur un peu haussmannien, plus classique comme on peut s'y attendre dans la bourgeoisie. Elle contournait un peu le cliché de ce qu’on pouvait attendre et surtout sa coursive m’a très vite inspiré des idées de mise en scène. En plus, quand on a visité des immeubles haussmanniens, j’ai eu peur que finalement ça fasse pièce de théâtre — déjà qu’il y a beaucoup d’intérieurs. Jouer dans un décor baroque, assez extraordinaire, finalement, ça décalait vers le surréalisme. Mais après, pour être sûr que je n’étais pas complètement à côté de la plaque, je me suis quand même renseigné sur les hôtels particuliers parisiens : il y a bien ce genre de choses un peu étranges, à la fois gothiques et art déco, construits entre 1890 et 1900 — pas beaucoup, mais quelques-uns…
Vous avez également tourné au Parc de la Tête d’Or, mais aussi fait d’un bâtiment officiel le palais de Pinochet…
AP : J’espère qu’ils ne vont pas trop gueuler ! D’ailleurs, vous avez vu la tour Eiffel ? On l’a incrustée dans le paysage au fond de la Tête d’Or, quand Ava (Anaïs Demoustier) et son amant (William Leghbil) nagent dans le lac après leur dispute avec les Anglais...
Dans votre générique, très travaillé comme à l’accoutumée, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, coproductrice du film, est remerciée avec une gratitude insistante assez cocasse…
AP : Au départ, on m’avait dit « faut mettre la Région là, et puis ici, et puis là ». En 30 secondes, il fallait la mettre trois fois. Donc j’avais placé tout plein de logos Région et même mis en avant tous les lieux spécifiques, même le Festival de Clermont-Ferrand et le Festival Lumière ! Et puis on m’a fait comprendre que j’avais poussé le bouchon un peu trop loin et la production s’est autocensurée. C’est peut-être un regret aujourd’hui, j’aurais peut-être dû insister un peu plus…
Josiane, vous changez beaucoup d’univers en ce moment : Grâce à Dieu, Tralala…
JB : C’est en fonction de ce qu’on me propose, comme tous les baladins. J’aime découvrir l’univers de metteurs en scène différents. Et puis… c’est parce que les autres actrices sont mortes (rires) « - Qui est-ce qui reste ? - Balasko, on n’a pas le choix ! » (rires) Cela tient aussi à l’évolution de ce que j’ai fait. Une pièce a beaucoup fait pour que les metteurs en scène s’intéressent à moi, La Femme rompue de Simone de Beauvoir, mise en scène par Hélène Fillières. D’un seul coup, ça a ouvert les horizons pour des gens qui ne pensaient pas forcément à moi.
AP : Justement, je l’avais vue dans Grâce à Dieu. C’est ça qui a fait le déclic : je me suis dit « C’est ça ! C’est génial, on y va ! ». Parce que du coup, je savais qu’elle pouvait aller dans la “kolossal finesse”.
Il y avait aussi Le Hérisson…
AP : Ah ça, j’étais pas né (rires) ! En tout cas, l’envie de la faire jouer venait depuis assez longtemps. Mais jusque-là, je n’avais pas vraiment de rôle pour elle. Et là, je suis prêt à remettre le couvert dès que possible. Tant qu’il y a à manger…
JB : Ah ben il est très courageux (rires) !
AP : Vous avez vu ? Sur le tournage, je me faisais tancer sans arrêt…
Comme tout votre cinéma, ce film est à la fois burlesque et politique, très critique visi-à-vis de la situation sociale…
AP : C’est un film sur l'entre-soi déconnecté de la réalité. C’est pour ça que je filme les bidonvilles dans Paris. Tout à coup, le personnage d’Ava, qui vient d’un milieu modeste, se retrouve projeté un peu par chance, ou malchance, en tout cas par hasard, dans la haute société. Mais elle ne se révolte pas ; elle ne rentre pas chez elle en disant « Ouais, c’est pas normal ». Au contraire, elle se sent en sécurité. Elle essaie seulement d’échapper à l’emprise de la Reine Mère tout au long du film.
Entre La Loi de la jungle et La Pièce rapportée, il y a eu un court métrage, Panique au Sénat, une sorte d’utopie politique. Est-ce parce que l’histoire se suffisait à elle-même dans ce format ou bien c'est parce qu’il n’y avait pas de financement pour un long ?
AP : Le long a mis du temps à se mettre en place… Parfois, il y a d’autres propositions de producteurs qui se mettent en place entretemps plus ou moins opportunément. Après, pour Panique au Sénat, j’avais écrit un film prévu pour faire 20 minutes, mais je me suis effectivement demandé à un moment si ça ne valait pas le coup de l’adapter en long, en étoffant beaucoup le scénario. J’ai envie de tourner tout le temps ! Il y a un mois, j’ai tourné un court métrage de 25 minutes de zombies, pour tester des choses, pour rencontrer des comédiens et changer un petit peu de proposition cinématographique… Et pour ne pas rentrer dans un ronron.
Le choix de Floc’h pour l’affiche vient-il de vous ou d’une proposition qui vous a été faite ?
AP : Un peu des deux. J’ai toujours apprécié ses dessins. Quand on a eu l’opportunité de faire une affiche avec lui, quand le distributeur me l’a proposé, j’ai immédiatement accepté. Et ça été immédiatement bien vu : n’y a pas eu 15 allers-retours. Il est très fort. J’ai eu de la chance.
Dans son livre Sélection officielle, Thierry Frémaux reproduisait la désopilante lettre que vous lui aviez adressée pour le convaincre de prendre votre film à Cannes. Lui avez-vous de nouveau écrit depuis ?
AP : Ah ! Non, j’ai failli… Et puis bon voilà, je ne l’ai même pas fait. Quand j’y ai pensé, c’était trop tard pour la sélection à Cannes (plaisantant)... Il avait fait une grosse erreur en ne prenant pas La Loi de la Jungle : il disait que c’était trop franco-français — ce qui n’est pas mon avis…
★★★☆☆La Pièce Rapportée de Antonin Peretjatko (Fr. 1h27) avec Anaïs Demoustier, Philippe Katerine, Josiane Balasko…
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