Edito / L'édito du n°1183 du Petit Bulletin Grenoble.
Allongés sur le sol poussiéreux, cafards tropicaux trottinant, moiteur épaisse, on écoute la nuit et le fracas. L'océan gronde, le sel gifle et brûle les volets de bois, des chocs sourds sur le toit. On essaie de déterminer si c'est une branche, un morceau de tôle qui frappe, pitié, pas une voiture. Panique le long de l'échine. Tout va peut-être bien s'arrêter là. On surveille le plafond qui bouge, comme s'il respirait. Le long des murs ça dégouline, l'eau s'infiltre en larges flaques, on met du scotch et des torchons. La porte d'entrée est battue par un géant invisible et puissant, on s'arc-boute de toutes nos forces, si le pêne cède, l'ouragan entrera et emportera tout. Le voisin le sait, il est actuellement sanglé à ses toilettes avec des ceintures, vaguement protégé des projectiles par un matelas. Plus loin sur le morne, une jeune fille se cache dans sa citerne en béton, l'eau au niveau de ses hanches monte, elle se fait dessus et prie. L'œil du cyclone, tout est bleu et mortellement silencieux, ceux dont la maison est déjà écroulée cherchent un nouvel abri, vite avant le second mur, plus furieux que le premier.
Depuis ce jour, le frisson est systématique quand on entend le Giec et les autres : « Nous serons confrontés à des phénomènes climatiques de plus en plus fréquents et extrêmes. »