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Ce qui se trame à la surface des choses
Par Benjamin Bardinet
Publié Mardi 15 février 2022
Photo : Jean-Pierre Saez
D’une grande cohérence et formellement très séduisante, la série photographique que Jean-Pierre Saez expose à la galerie Ex Nihilo est le fruit d’une approche conceptuelle qui ne renie pas le plaisir du regard.
Fervent visiteur de centres d’art, Jean-Pierre Saez a constaté que la plupart du temps, les fenêtres de ces lieux sont obstruées pour favoriser la concentration du regard des visiteurs sur les œuvres exposées. Il ne lui en fallut pas plus pour tenter de voir ce que son objectif pouvait tirer de ces fenêtres voilées, car l’art de la photographie, on le sait, consiste souvent à regarder là où il ne faut pas, de la manière qui n’est pas convenable. Le résultat est plein de surprises, formellement fascinant. Tantôt le monde apparaît comme ouaté, nimbé d’un voile fantomatique, les silhouettes des passants semblent évanescentes ; d’autre fois l’ombre portée de l’encadrement d’une baie vitrée vient se poser de manière instable à la surface d’une trame flottante ; et bien sûr à plusieurs reprises les baies vitrées de ces centres d’art créent des reflets lumineux complexes dans lesquels apparaît, ici ou là, celui du photographe.
Fenêtre fermée sur un monde
Finalement ces voiles et ces rideaux qui avaient pour but d’occulter le monde extérieur focalisent toute notre attention, au point qu’ils deviennent des œuvres à la surface desquelles le regard se perd (ceci d’autant plus que certains clichés sont de très grands formats). Jean-Pierre Saez retourne ainsi l’injonction faite par Alberti aux peintres de la Renaissance de faire de la peinture une fenêtre ouverte sur le monde. Ici la fenêtre est obstruée et c’est un monde en soi qui se révèle à la surface des images. Et lorsque Jean-Pierre Saez quitte les centres d’art pour regarder sa télévision, il joue des interférences et des bugs dus à une connectique défaillante pour produire des images abstraites (on pense à des gros plans pixelisés sur des toiles de Klimt) qui, une fois de plus, confrontent notre regard à la surface des choses – de l’écran en l’occurrence.
Caché derrière. Jean-Pierre Saez à la galerie Ex Nihilo, jusqu’au 26 février, entrée libre
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