Interview / Après s'être taillée une belle réputation à Grenoble, Bernadette (Chloé de son vrai nom) s'est imposée en France. D'abord harpiste, elle prend rapidement la voie des musiques électroniques et mixe avec Palms Trax ou DJ Stingray. Accro aux sonorités house, Bernadette se joue des co(r)des et ajoute, au gré de ses envies, des touches de funk, de disco, d'afrobeat et d'acid-house. À l'initiative du collectif Move ur Gambettes, qui milite pour une meilleure représentativité des femmes, elle entre en résidence au Sucre, à Lyon.
Vous débutez une résidence au Sucre cette année ?
L'objectif, c'est de faire trois dates au Sucre et d'inviter des artistes que je souhaite mettre en avant, faire jouer des filles que j'ai formées... J'aimerais aussi travailler à ce que Move ur Gambettes devienne un label.
La transmission semble être aussi importante pour vous que l'évolution de votre propre pratique artistique ?
Ce n'était pas réfléchi. Je n'avais pas de compétences particulières, mais j'ai commencé à jouer avec des filles car je voulais des copines pour mixer ! Je leur ai proposé de venir s'entraîner à jouer avec moi, qu'on se montre mutuellement ce que l'on avait appris. Ça m'a énormément plu. Pendant le confinement, j'ai voulu le faire à plus grande échelle. J'avais du temps libre, c'était l'occasion de continuer à pratiquer et parler musique. En voyant leurs réactions, leur évolution, en constatant que j'évoluais en même temps, ça m'a vraiment rendue fière. Je me dit : « bordel, je fais de la musique mais j'apporte un truc aussi ! ». J'ai lancé des mouvements, des idées auprès d'autres femmes, j'ai eu un impact positif sur la scène et c'est une de mes plus grandes fiertés. Même s'il y a encore beaucoup de choses à faire changer, ça donne espoir.
Vous donnez des cours, mais vous avez aussi la casquette de l'étudiante ?
Oui ! Je prends des cours car je veux approfondir la partie production. C'est bien d'apprendre seule mais c'est important de pouvoir rencontrer des intervenants, voir d'autres méthodes... C'est motivant. J'ai sorti mon deuxième son et là, je travaille sur un EP.
Quelle sera la couleur de cet EP ?
C'est parti d'un projet que je fais en coproduction avec le Cabaret Aléatoire à Marseille. Il a pour but de représenter un panel de mes facettes éclectiques. Je travaille parallèlement à un live, avec ma harpe électrique. C'est une création sonore de A à Z, on la crée en même temps que l'EP. Le live tourne autour de la harpe, l'EP un peu moins. Il sera prêt mi-septembre.
Vous avez de nombreuses facettes. Quelles sont-elles ?
Globalement : un côté house, disco, italo disco, quelque chose de chaleureux, très dense. Et une facette plus electro, breakbeat, jungle, très saccadée, plus mécanique, voire un peu détonante. Et trance, avec un rythme très droit, très rapide. Récemment, j'ai fait un livestream dans un couvent, sans public. Ça permet de se détacher de la pression de la foule, qui a besoin de dépenser de l'énergie, de danser. Je me suis sentie très libre dans l'expression, j'ai testé des trucs.
Quelle influence a la harpe dans votre pratique musicale ?
J'en faisais tous les jours, puis je l'ai mise de côté après le bac. Je suis partie faire mes études à Toulouse et c'est devenu un loisir, jusqu'à ce que je me remette à mixer. Il y a trois ans, je me suis dit : « vas-y, prends ta harpe et essaye de jouer sur tes sets ». Avant, je pratiquais du classique, du baroque... Là, c'est carrément de la recherche, emmener cet instrument vers une pratique de musique électronique.
Une date qui vous a marquée ?
Je me suis pris une énorme good vibe au Sucre avec Kink. Le public était incroyable, il y avait une osmose, et Kink... voilà quoi. Ça me parait irréel maintenant.
Vous faites quoi quand vous ne jouez pas ?
Là, j'ai une vie de mamie, j'en profite car ça va vite reprendre fort. Je bosse sur les différents projets : la résidence au Sucre, le label, les formations... Je travaille sur une musique de film pour la BO d'un court-métrage de cinq minutes. C'est tout nouveau pour moi.