Ils ont décidé d'être ambassadeurs de la paix et de le faire savoir sur toutes les scènes où ils passeront. Depuis le début des attaques russes en Ukraine, les artistes du Saint-Petersbourg Festival Ballet subissent de fortes pressions, notamment sur les réseaux sociaux. À l'instar de nombreuses personnalités russes du monde culturel, ces artistes sont sommés de prendre position s'ils ne veulent pas être persona non grata sur les scènes occidentales...
L'équipe de professionnels du Saint-Petersbourg Festival Ballet, de passage au Summum de Grenoble le 27 février dernier, n'a pas attendu avant de réagir face au conflit, qui touche de près cette quarantaine de danseurs et musiciens originaires de Hongrie, Russie, Ukraine, Lettonie, Pologne, Biélorussie, etc. Jeudi 24 février au soir, avant sa représentation de La Belle au bois dormant au sein de l'amphithéâtre 3000 de la cité internationale à Lyon, le ballet russe a fait une minute de silence avant que l'orchestre n'entame l'hymne ukrainien. « Ce n'était pas possible de jouer le ballet le soir de la déclaration de guerre, en faisant comme si rien ne s'était passé », explique Victoria Pavlyukova, en charge du management de la compagnie pour Ovation Events, une société de production basée à Munich. La rapidité et la sincérité avec lesquelles la réaction de ces artistes a retenti, le soir même de l'agression russe, n'a pas fait barrage à l'appel au boycott de leurs spectacles et aux insultes des internautes. « Nous pouvons, dans une certaine mesure, comprendre la réaction des gens qui sont autant horrifiés que nous. Mais nous tenons à rappeler que nous ne sommes pas responsables des actions du gouvernement russe. Nous espérons que la guerre prenne fin le plus rapidement possible et avons décidé d'opérer un changement par l'art », insiste Victoria d'un ton grave.
Comme beaucoup de citoyens russes ou de populations russophones le redoutaient, l'amalgame entre la population et l'action de Vladimir Poutine progresse aussi vite que l'escalade des violences sur le sol européen. Alors que la tournée du ballet russe est censée se terminer fin avril, les artistes de la compagnie craignent de ne pas pouvoir rentrer chez eux, à cause des blocages au niveau aérien. Pire, depuis l'entrée en vigueur de la loi dite "sur les fake news" le 4 mars dernier, ils craignent des sanctions punitives pour leur prise de position à l'étranger. Derrière l'épais brouillard de propagande des médias russes et les risques de sanctions punitives qu'ils encourent, nombreux sont les artistes originaires de Russie ou des pays voisins à évacuer la sidération, la peur et le désarroi en présentant leurs corps et le fruit de leur travail sur scène. D'autant que l'assimilation entre Kremlin et citoyens russes peut vite devenir un vivier dans lequel puise le rêve nationaliste de Poutine.