Presque quarante ans après le film qui l'avait créé superstar, Tom Cruise montre qu'il en encore sous le cabot en se glissant *inchangé* dans le cockpit du plus rebelle des pilotes de chasse à l'occasion d'une Mission : Impossible... Une bonne dose d'années 1980 au compteur et une nouvelle statue filmique sur mesure pour le grand petit Tom. Hors compétition Cannes 2022.
Aussi brillant qu'insubordonné, Pete “Maverick" Mitchell a encore dépassé les bornes. Plutôt que d'être radié de l'armée, il est affecté par l'entremise de son ancien condisciple Iceman à Top Gun où il doit former la jeune génération à une mission commando furtive d'extrême urgence. Non seulement ses méthodes ne plaisent pas à l'amiral du cru, mais il a parmi ses ouailles le fils de son ancien ailier Goose, le jeune Rooster qui lui en veut d'avoir bloqué son entrée à l'armée de l'air.
« Votre ennemi, c'est le temps ». Quand le prof Maverick-Tom Cruise assène à ses p'tits bleus cette vérité cardinale, ils savent qu'ils doivent l'écouter (même Hangman, le prétentieux goguenard de service avec son allumette au coin du bec), car le chien fou volant parle d'expérience. En fait, Top Gun 2 tient de la démonstration aérienne – pas au sens léger du terme – de la victoire personnelle de son acteur-producteur sur le temps. Une victoire un brin faustienne (on sait Tom Cruise porté sur toute une série de fariboles et de fadaises, prêchant volontiers quand il en a l'occasion des théories d'affirmation de soi pleines de sourires à 78 dents, jambes écartées sur talonnettes, biceps saillant et regard franc sous sourcil froncé), démontrant qu'il est possible pour un quasi-sexagénaire de passer inaperçu dans un groupe de trentenaires ayant poussé à la salle. D'arborer le visage lisse et la silhouette svelte d'un jeune premier, une tignasse abondante sans le moindre un poil gris, d'avaler Mach 10 sans défaillir et de se crasher (deux fois) en ayant pour seule séquelle « un peu soif ».
Un vieux coup dans l'aile
Ce temps aussi impalpable que l'air dans lequel les F-18 évoluent, Cruise tient bien à montrer qu'il ici l'a dompté –peut-être pas comme dans Edge of Tomorrow (2014), mais pas loin. Top Gun Maverick se cramponne à sa préquelle comme il l'évacue pour faire place nette à la silhouette méphistophélique de l'immarcescible héros dont le surnom s'impose jusque dans le titre. Les années 1980 contaminent les années 2020 grâce à la musique de Hans Zimmer exhumant des sons synthétiques vintage, aux titres joués dans le café des pilotes (Let's Dance de David Bowie...), aux images passées au filtre jaune, aux couchers de soleil façon pub pour du pamplemousse de Floride, à la moustache de Miles Teller sensée être le fils d'Anthony Edwardes, à Jennifer Connely (elle-même importée de l'époque) ; à la présence d'un Val Kilmer grabataire d'autant plus éprouvante que Tom Cruise est là, avec son éternelle jeunesse, pour enterrer son personnage et affirmer définitivement le primat de Maverick sur le reste de la distribution/de ses rivaux de Top Gun... On peut invoquer l'auto-nostalgie. Mais est-ce qu'un narcisse éprouve de la nostalgie ? il continue à vouloir (se) montrer aux autres dans toute sa superbe, à participer à des compétitions de ballon torse-nu sur la plage – réactivant au passage des clichés homo-érotiques qu'on n'avait plus vus depuis OSS117 – avec la fascination de sa propre jeunesse. Tout le contraire de Clint Eastwood, qui n'a eu de cesse de filmer avec une gourmandise grandissante la progression de sa propre décrépitude (et sa capacité à dépasser les rides et l'âge). Ça ne l'empêchait pas d'être un franc-tireur non plus – ni porter la scoumoune à ses co-équipiers.
Sinon, l'histoire, la réalisation ? Musclée et spectaculaire, évidemment. Et à la fin méchants sont punis, boum ! dans le ciel, et puis les Zaméricains gagnent. Pour qui aime le kérosène, la guerre, les années 1980, les t-shirts blancs ajustés et les Ray-ban.
★★☆☆☆ Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski (É-U., 2h11) avec Tom Cruise, Miles Teller, Jennifer Connelly...