À l'affiche / Dans les cinémas de Grenoble cette semaine : "Leila et ses frères", "Rumba la vie", mais aussi "Les volets verts" ou "Trois mille ans à t'attendre"...
Immanquable
★★★★☆ Leila et ses frères
Pour qu'enfin ses frères sortent de la misère dans laquelle ils sont confinés depuis toujours, Leila a trouvé la bonne idée : acheter une boutique dans un centre commercial. La fratrie réunit l'argent non sans peine, mais voilà que le père fait obstacle pour de stupides raisons d'honneur mal placé...
Où et quand s'arrête l'archaïsme d'une tradition ? En tout cas, pas aujourd'hui en Iran, qui vient d'interdire ce film – voilà qui nous renseigne sur la pertinence de son propos. Plus abouti que le précédent opus de son réalisateur, Leila et ses frères conserve le meilleur de La Loi de Téhéran : outre ses interprètes, l'art de Saeed Roustaee de diriger des scènes de foules massives (en partant d'un petit nombre d'individus), pour en tirer des séquences spectaculaires. Il se montre également habile dans l'exercice plus "farhadien" du dialogue à deux ou trois têtes, cette sorte de joute oratoire entre la maïeutique et le concours d'éloquence, où Leila sort ici quasi systématiquement vainqueur.
Il n'est pas anodin que le titre place en avant Leila, seule personne de sa fratrie à user simultanément d'ambition, d'intelligence et de stratégie. Autant de qualités déniées aux femmes par la société iranienne, y compris par ses propres parents, tout étourdis qu'ils sont par l'attribution au père du titre honorifique de "parrain de clan familial". Purement symbolique, ce titre est un miroir aux alouettes permettant aux branches fortunées de ladite famille d'abuser de la crédulité du père en le forçant à se ruiner et à s'humilier. Montrant que la possession de pièces d'or vaut davantage qu'un testament, l'honneur ou la foi, Roustaee révèle le poids de l'hypocrisie ambiante en Iran, mais aussi la fragilité économique d'un pays inféodé – c'est le comble – aux moindres inflexions politiques étasuniennes, son grand Satan ! Au-delà de la saga familiale, Leila et ses frères disperse tranquillement toute la poussière cachée sous les tapis persans. On comprend que les mollahs s'étouffent.
De Saeed Roustaee (Ir., 2h49) avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Payman Maadi...
À voir
★★★☆☆ Wild Men
Un cadre danois en burn-out, vivant (mal) comme un viking ermite dans les montagnes norvégiennes, croise la route d'un trafiquant de drogue blessé dans un accident de la route. Traqués par les pittoresques policiers du cru et les complices du dealer, les deux bras-cassés font équipe pour une cavale baroque dans les hauteurs nordiques...
Qui apprécie les polars-western au ton décalé des frères Coen ou de Sam Raimi devrait se retrouver dans celui de Thomas Daneskov qui adapte la recette à son décor nordique : vastes étendues glacées, zones frontières propices aux échanges illicites, gros paquet d'oseille en promenade, le tout parsemé de séquences allant du burlesque au gore (imaginez la suture d'une cuisse ouverte réalisée avec des mains sales et à vif) peuplées de personnages au mieux désabusés, au pire complètement largués.
Au-delà de l'intrigue naturellement propices aux mensonges ou rebondissements, Thomas Daneskov joue énormément sur la question des apparences et, bien sûr, sur le fait qu'elles soient trompeuses. L''authenticité” du mode de vie viking y apparaît ainsi comme très discutable (et est discutée), les adjoints de police se révèlent moins efficaces que leurs uniformes ; quant au truand, il échappe à tous les poncifs du genre en se montrant d'une patience hallucinante vis-à-vis de son compagnon d'échappée — pourtant indécrottable gaffeur. Dépaysant et rafraichissant.
De Thomas Daneskov (Dan., avec avert., 1h42) avec Rasmus Bjerg, Zaki Youssef, Bjørn Sundquist...
À la rigueur
★★☆☆☆ Rumba la vie
Passé tout près du cimetière, Tony se dit qu'il doit mettre en ordre ses affaires. À commencer par se présenter à sa fille de 20 ans qu'il n'a pas revue depuis qu'elle était bébé. Ne sachant comment procéder, il s'inscrit à son cours de danse, espérant que la proximité lui déliera la langue. Mais la route est longue...
On est donc ici sur du feel good movie des familles, avec rédemption-réconciliation sur fond d'apprivoisement mutuel. Dubosc endosse comme à son habitude l'emploi du plouc à l'extérieur/brave type à l'intérieur – l'excuse étant qu'il n'a pas assouvi ses rêves de jeunesse et fait peu d'études. Ne relevons pas les petites incohérences scénaristiques montrant son personnage plus stupide qu'il ne devrait être, préférons souligner la très réussie séquence finale, jolie idée poétique évoquant la fuite du temps... ou sa possible récupération. Et puis il y a cette insolite surprise offerte par ce film : la présence au générique de Michel Houellebecq dans le rôle d'un médecin cardiologue. Son sourire à la nicotine et ses propos patelins dissuaderaient n'importe quel fumeur de replonger mieux que toutes les campagnes anti-tabac.
De et avec Franck Dubosc (Fr., 1h43) avec également Louna Espinosa, Jean-Pierre Darroussin, Michel Houellebecq...
Parmi les sorties du 24 août
Trois mille ans à t'attendre de George Miller
Beast de Baltasar Kormákur
Wild Men de Thomas Daneskov
Les Volets verts de Jean Becker