Frédéric Ferrer de L'Atlas de l'anthropocène : « Je me suis dit : et si j'allais chercher ces canards ? »

À la recherche des canards perdus

La Vence Scène

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Un comédien, dix dates / "À la recherche des canards perdus" sur le réchauffement climatique ; "Les Déterritorialisations du vecteur" sur le moustique-tigre ; "WOW ! " sur les possibilités qu’ont les êtres humains d’aller vivre loin de notre planète menacée… Avec son "Atlas de l’anthropocène" composé de sept conférences-spectacles décalées mais solides sur leurs assises scientifiques, le comédien, metteur en scène et géographe de formation Frédéric Ferrer questionne habilement les impasses de notre monde. D’octobre à mai, il présente l’intégralité de ses spectacles dans différentes salles de l’agglomération grenobloises. Voilà qui valait bien une interview.

Qu’est-ce que cet Atlas de l’anthropocène fait des sept cartographies différentes que l’on verra toutes cette saison dans l’agglomération grenobloise ? 

Frédéric Ferrer : C’est un cycle artistique qui regroupe plusieurs spectacles-performances mettant à chaque fois en jeu une question liée aux bouleversements actuels de notre monde. Dans chaque performance, je tente de trouver une réponse à une question posée en utilisant le procédé de la conférence. Pour cela, j’ai donc, en amont, mené plusieurs enquêtes, rencontré des scientifiques ; je me suis déplacé sur les territoires étudiés – le Groenland, l’Afrique, Terre-Neuve… Bon, bien sûr, pour celle sur les exoplanètes, ça a été plus compliqué ! Sur scène, je présente les résultats de ces enquêtes.

Tout débute en 2010 avec une histoire de canard en plastique qui donnera la première cartographie À la recherche des canards perdus

Tout à fait. Un jour, je suis tombé par hasard sur un article de presse qui traitait d’une drôle d’expérience : en septembre 2008, la Nasa a lâché 90 canards jaunes en plastique dans un glacier du Groenland afin de mesurer la vitesse du réchauffement climatique. Sauf que, depuis, on ne les a jamais retrouvés ! À partir de là, je me suis dit : et si j’allais chercher ces canards ? J’ai fait de cette recherche une conférence qui permet d’évoquer différentes hypothèses sur la localisation possible des canards aujourd’hui dans le monde.

Cette première cartographie, très drôle, montre bien que si elles sont solidement référencées, vos conférences sont volontairement décalées…

Je propose la construction d’un raisonnement avec les outils du conférencier – l’ordinateur, le PowerPoint, les dessins sur un tableau… Mais ce raisonnement rationnel est, en effet, décalé. On vit déjà dans un monde totalement absurde, donc toute proposition artistique qui veut un tant soit peu dire notre monde doit être au moins aussi absurde que le monde dans lequel on vit ! D’ailleurs, dans le cas de la première cartographie, l’expérience de base était tellement décalée que je n’ai pas eu grand-chose à faire : aller chercher des canards jaunes en plastique au Groenland pour essayer de comprendre le réchauffement climatique, c’est en soi complètement absurde !

Quel a été l’accueil du monde scientifique face à votre aventure artistique ?

Très bon. D’ailleurs, on me propose souvent de jouer dans des universités, des laboratoires de recherche, au CNRS… Parfois, on a même caché ma vraie identité à l’auditoire. Je me souviens d’un jour où, face à des élèves en master venus voir la conférence sur les canards, on m’a fait passer pour un expert du climat arctique. Les étudiants prenaient carrément des notes ! Très rapidement, une étudiante a levé les yeux de sa feuille, m’a dévisagé puis a regardé partout pour voir s’il n’y avait pas une caméra cachée ! C’était un beau moment. Mais à Grenoble, ça va se jouer dans des théâtres donc tout le monde sait d’avance que c’est un spectacle !

Vos conférences sont-elles écrites ou improvisées ?

Totalement improvisées du début à la fin ! La seule chose qui ne l’est pas, c’est le PowerPoint. Avant chaque cartographie, je sais donc ce que je vais dire, mais je ne sais pas comment je vais le dire. Je fais ça pour garder une forme d’immédiateté, que ça reste quelque chose de spontané qui peut à tout moment basculer, vriller… En cours, le prof qui récite un texte ou lit ses notes nous a toujours beaucoup plus ennuyés que celui qui improvise !

Diriez-vous qu’au vu du sujet – les bouleversements du monde dus à l’activité humaine, d’où le terme anthropocène –, vous faites des spectacles engagés ?

Je fais des spectacles. Si je voulais porter des messages politiques et engagés, je ferais sans doute autre chose. Parce que je n’utilise pas l’art au service d’un engagement politique. En revanche, je travaille sur des questions actuelles liées à notre modernité, au politique, en les traitant de manière artistique, en regardant le monde avec distance, avec décalage. Alors si cette distance qui montre l’absurdité de notre monde permet de questionner le spectateur, c’est super. Mais ce n’est pas l’objectif.

À Grenoble, vous présenterez dans divers théâtres l’intégralité de l’Atlas de l’anthropocène. Chaque cartographie peut-elle être vue séparément des autres ?

Bien sûr, elles sont toutes indépendantes les unes des autres, on n’a pas besoin des éléments d’une cartographie pour comprendre une autre. On peut même commencer par la septième et finir par la première, aucun souci ! D’ailleurs, à Grenoble, elles ne seront pas présentées dans l’ordre.

Vous êtes géographe de formation, puis vous avez enseigné. Comment êtes-vous arrivé au théâtre ?

Ce n’est pas arrivé l’un après l’autre ; j’ai toujours fait ça en même temps. J’avais déjà créé ma compagnie alors que j’étais étudiant en géographie. Après, je suis devenu prof quelques années car je ne gagnais pas encore ma vie avec le théâtre. Puis, quand j’ai senti que je pouvais davantage m’investir dans le théâtre, je l’ai fait et j’ai alors arrêté d’enseigner.


Atlas de l’anthropocène, l’agenda grenoblois par ordre chronologique

Les Vikings et les satellites,  cartographie 2
Vendredi 7 octobre à 12h à l’Est, sur le campus

À la recherche des canards perdus, cartographie 1
Samedi 8 octobre à 20h à la Vence scène (Saint-Égrève)

Les Déterritorialisations du vecteur, cartographie 3
Samedi 22 octobre à 18h30 à l’espace Paul-Jargot (Crolles)

À la recherche des canards perdus, cartographie 1
Mercredi 30 novembre à 20h au Muséum de Grenoble (programmation du Théâtre municipal de Grenoble)

Le Problème lapin, cartographie 7
Mardi 24 janvier à 20h et mercredi 25 janvier à 14h15 à l’Hexagone (Meylan)

Pôle Nord, cartographie 4
Mercredi 25 janvier à 19h30 à l’École supérieure d’art et de design (Grenoble)

WOW ! cartographie 5
Jeudi 9 mars à 20h à l’espace René-Proby (Saint-Martin-d’Hères)

Les Déterritorialisations du vecteur, cartographie 3
Jeudi 9 mars à 20h à l’Odyssée (Eybens)

Pôle Nord, cartographie 4
Samedi 6 mai 20h au TMG – Théâtre de poche (Grenoble) ; dans le cadre du Festival des Arts du Récit 

De la morue, cartographie 6
Jeudi 25 mai à 20h30 à l’Ilyade (Seyssinet-Pariset)

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