Cinéma : les films qui sortent le mercredi 16 novembre 2022

À voir dans les salles de Grenoble cette semaine : "Reste un peu", "Coma", "Noël avec les frères Koalas", "Juste une nuit", "Les femmes du square", "Les amandiers", "Plus que jamais"...

À voir

★★★☆☆ Reste un peu 

De retour d’Amérique, Gad Elmaleh suscite l’émoi de ses proches ayant découvert qu’il souhaitait quitter la religion juive pour épouser le catholicisme et se faire baptiser. Entre atermoiements intérieurs et chantage affectif familial, Gad pourra-t-il trouver son chemin dans la sérénité ?

En interprétant un protagoniste nommé comme lui et en donnant la réplique à sa famille, Gad Elmaleh instille fatalement le doute dans l’esprit du public : Reste un peu est-il teinté d’autobiographie ? Peu importe, pourrait-on dire, la foi étant une affaire privée. Sauf qu’ici, où l’on navigue entre documenteur et autofiction, le doute comme l’ambiguïté profonde entre l’interprète et le personnage participent des fondations (c’est-à-dire de la crédibilité) du récit, étant donné que la question religieuse renvoie à l’identité profonde de l’individu – donc à son environnement, son éducation, ses traditions, sa famille.

Tournant de dérision bienveillante les a priori réciproques, les vieilles rancunes des uns et des autres ou les fausses croyances à propos des catholiques ou des juifs, Gad Elmaleh réussit le miracle (allez, osons le terme) de présenter des religieux plus tolérants que les fidèles et des croyants n’ayant pas besoin de la pompe liturgique ou de quelque cadre sacré mais restrictif pour vivre sereinement leur foi. Drôle dans la légèreté, nullement dogmatique, plaisant… En un mot : amène.

de & avec Gad Elmaleh (Fr., 1h30) avec également Régine, David & Judith Elmaleh, Pierre-Henry Salfati, Delphine Horvilleur…


★★★☆☆ Coma 

En préambule à son film, Bertrand Bonello lit ce qui s’apparente à une lettre ouverte à sa fille ainsi qu’à la génération à laquelle celle-ci appartient. La missive se transforme ensuite en un conte allégorique contemporain portant sur l’emprise exercée par le virtuel, après le confinement covidien, sur des adolescents se retrouvant en situation d’isolement numérique “hikikomoriesque”. À la fois geste expérimental et patchwork de formes multi-médiatique (l’animation rotoscopique comme les marionnettes en stop motion font ici des incursions remarquées), Coma tient également de l’expérience sensorielle et subjective en FPS – extrapolant légèrement la situation présente pour nous faire entrevoir la porosité grandissante entre les mondes actuel et virtuel… ainsi que le risque de l’irréversibilité du passage de l’un à l’autre. Comme venu d’outre-temps et d’outre-tombe (la présence de la voix de Gaspard Ulliel y contribue), cet objet étrange marque aussi l’appétence de son auteur pour le fantastique et l’épouvante, déjà perceptible dans sa précédente réalisation, Zombi Child  (2019).

De Bertrand Bonello (Fr., 1h20) avec Louise Labèque, Julia Faure, Louis Garrel…


★★★☆☆ Noël avec les frères Koalas 

Cette année, les frères Koalas ont invité leur amie la manchote Penny qui doit venir d’Antarctique. Mais la pauvre oiselle s’étant abîmée l’aile et ne pouvant bouger de son igloo, les fiers aviateurs s’envolent pour la ramener en Australie. Le voyage s’avère plus compliqué que prévu…

Héros d’une série animée télévisée fort célèbre auprès des tout-petits, les Frères Koalas changent donc ici de dimension et de taille d’écran pour cette aventure de saison… qui permettra d’ailleurs d’expliquer aux enfants pourquoi dans l’hémisphère sud, la fin d'année se célèbre sans neige – un avant-goût de ce que le réchauffement climatique réserve à l’hémisphère nord, allez. Avec son duo complémentaire (l’aîné futé/le benjamin maladroit) et leurs amis leur donnant un coup de main à distance pour les sortir de leurs difficultés, ce conte de Noël en marionnettes animées, pétri de douceur et exaltant les vertus de l’obstination, ne peut que plaire au jeune public.

Animation de Tobias Fouracre (G.-B., dès 3 ans, 0h46 )


★★★☆☆ Juste une nuit 

Mère célibataire à Téhéran, Fereshteh a caché l’existence de son bébé à ses parents. Lorsque ceux-ci lui annoncent leur venue pour une nuit, la jeune femme se démène pour trouver un hébergement en urgence pour son enfant. Une opération loin d’être une sinécure dans l’Iran d’aujourd’hui…

Reprenant l’idée d’une course contre la montre suivie en temps (presque) réel par une caméra à l’épaule de manière documentarisante, Ali Asgari inscrit cette épopée ordinaire dans le sillage du cinéma des frères Dardenne – en particulier Deux jours, une nuit (2014) – où l’enchaînement “naturel” des situations  – donc, ici, des portes qui se claquent et de l’éventail des solutions qui se restreint – contribue à accroître la tension du récit sans qu’il y ait besoin d’effet stylistique complémentaire.

Au-delà du suspense créé par l’infernal compte à rebours (conduisant à envisager des stratégies toujours plus hasardeuses), Juste une nuit photographie crûment la société iranienne contraignant les femmes à vivre dans la honte, la soumission, le sacrifice, la peur de la délation tandis que certains hommes profitent de la situation avec inconséquence ou comme des prédateurs – ce n’est pas incompatible. Porté par Sadaf Asgari (remarquée dans Yalda la nuit du pardon), Juste une nuit prend une résonance d’autant plus symbolique dans le contexte de l’actualité iranienne.

De Ali Asgari (Ir.-Fr.-Qa., 1h26) avec Sadaf Asgari, Ghazal Shojaei, Babak Karimi…


★★★☆☆ Les Femmes du square 

Pour échapper à une bande à qui elle doit de l’argent, Angèle, une jeune Ivoirienne, postule comme nounou dans une famille des beaux quartiers parisiens. En discutant avec ses nouvelles consœurs, elle découvre le flou entourant leur métier et se lance dans un combat pour leurs droits… 

Pour la boutade, on pourrait dire que Julien Rambaldi a de la suite dans les idées : lui qui s’était intéressé aux sages-femmes dans C’est la vie braque ses caméras sur celles qui prennent le relais en épaulant les parents quelques années plus tard : les assistantes maternelles. À la différence de Philippe Le Guay qui s’était préoccupé du sort des employées de maison espagnoles – doublement exilées puisque vivant sous les combles – dans Les Femmes du 6e étage (2011), le cinéaste fait ici en sorte que la désinvisibilisation de ces nounous ne découle pas d’une soudaine prise de conscience d’un “gentil” patron touché par la grâce, mais bien d’une conquête collective issue d’une base… “gentiment“ exploitée par ses employeurs. Les Femmes du square évoque ainsi davantage la dynamique de groupe loachienne, avec ses coups de gueule et ses dissonances que le chromo pastel idéalisé. En bonus, Eye Haïdara s’offre un joli duo avec un enfant prometteur, le jeune Vidal Arzoni.

De Julien Rambaldi (Fr., 1h45) avec Eye Haïdara, Ahmed Sylla, Léa Drucker…


On s’en contente

★★☆☆☆ Les Amandiers 

Au début des années 1980, la rumeur court que Patrice Chéreau va diriger une école de théâtre au Théâtre des Amandiers de Nanterre et qu’il recrute au terme d'un long processus d’audition. En réalité, c’est Pierre Romans qui en sera le patron. Chronique de cette époque vécue par l’une de ses élèves…

Si une grande partie du cinéma de Valeria Bruni-Tedeschi trouve son inspiration dans sa romanesque famille, celui-ci propose un focus à part sur une période qu’elle seule a vécue… ce qui ne l’empêche pas d’être collective et partagée. Aventure chorale, Les Amandiers a quelque chose du fouillis brouillon et désarticulé de cette jeunesse insouciante des années 1980, avec sa photo à gros grain. Plus évocation approximative d’une époque passée au tamis des imperfections de la mémoire que reconstitution fidèle, cet auto-biopic paraît toutefois un peu anecdotique : bien sûr, cette génération dorée du théâtre a marqué les planches (et on peut tenter de retrouver derrière chacun des personnages l’identité des modèles, comme s’émouvoir de voir les anciens faire de la figuration), mais ce récit d’apprentissage avec professeur/gourou tyrannique, camarades autodestructeurs, menaces fantômes (sida, drogue…) s’avère d’une terrifiante banalité une fois que l’on ôte les références franco-françaises. Reste la résurrection de la figure de Romans, si oublié, et la performance (habituelle) de Garrel en ogre Chéreau.

De Valeria Bruni Tedeschi (Fr., 2h06) avec Nadia Tereszkiewicz, Sofiane Bennacer, Louis Garrel…


★★☆☆☆ Plus que jamais 

Lorsque Hélène apprend qu’elle est atteinte d’une maladie grave, sa relation avec Mathieu se fissure et elle ressent le besoin de se rapprocher d’un internaute norvégien partageant des problèmes de santé comparables. Elle part alors en solo à sa rencontre, en quête d’imprévu dans cet horizon nordique…

Il n’est jamais évident de raconter une fuite “à l’unilatérale” car il faut composer avec la part de silence et d’ombre habitant les motivations de celui (ou de celle) qui prend la tangente. Récemment, Michel Franco a magnifiquement raconté cette désertion dans Sundown là où Benoît Jacquot avait achoppé dans Villa Amalia (2009). Déjà très contemplatif et peu avenant, le sujet d’Emily Atef se trouve funestement alourdi par la résonance d’un deuil subit et imposé qui le plombe davantage : voir à l’écran un couple se préparer à être séparé par la mort ET savoir qu’il l’est à la ville depuis, donne la désagréable impression d’être le voyeur d’un snuff movie. Plus que jamais risque de subir longtemps le poids du destin tragique de Gaspard Ulliel et du chagrin de Vicky Krieps.

De Emily Atef (Fr.-All.-Lux.-Nor., 2h03) avec Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjorn Floberg…

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