Critiques cinéma : les films qui sortent la semaine du 1er février 2023

À voir cette semaine dans les cinémas de Grenoble : "Maurice le chat fabuleux", "Un petit frère", "Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu", "La Montagne", "Piro Piro"...

Immanquable

★★★★☆ Maurice le chat fabuleux 

Dotés de la parole, Maurice le chat et son cortège de rats sillonnent la campagne avec leur complice joueur de flûte/faux dératiseur pour escroquer les villageois crédules. Leur arnaque est freinée dans une ville où sévit une étrange famine. Et où vit une ado avide d’aventures, Malicia, qui bientôt les rejoint…

à lire aussi : Guillaume Canet & Gilles Lellouche : « Gérard Depardieu était un fantôme très écrasant »

L’épithète qualifiant le bavard Maurice pourrait sans aucun problème s’appliquer à ce pétillant film d’animation, adaptant avec brio un ouvrage de Terry Pratchett – l’un des rares auteurs, avec Alain Damasio, à entrouvrir l’hermétique heroic fantasy à ceux qui n’y entravent que pouic tout en la débarrassant de sa pompe grandiloquente. Mélange jouissif d’érudition et de dérision, cette histoire se moque autant que Shrek de la structure narrative des contes ou des clichés dont ils sont farcis… sans se priver de s’inclure soi-même dans sa satire, avec une distanciation toujours percutante. Comme un cours de littérature comparée, mais en version décomplexée et surtout visuellement irréprochable : la qualité, l’esthétique comme l’art de superposer les niveaux de lecture (donc, la faculté de réunir potentiellement les publics de tous les âges) n’ont rien à envier aux productions Pixar, qui depuis des années boxaient quasiment seules dans cette catégorie. À voir (et entendre) de préférence dans la version originale pour profiter de la distribution pluri-stellaire incluant Hugh Laurie, Gemma Arterton, David Thewlis, David Tennant etc.

à lire aussi : Léonor Serraille & Ahmed Sylla : « J’aimais cette contradiction de raconter 25 ans en moins de deux heures »

Animation de Toby Genkel & Florian Westermann (G.B.-All., 1h33) avec les voix (V.O) de Hugh Laurie, Himesh Patel, Emilia Clarke…


★★★☆☆  La Montagne 

De passage dans les Alpes pour une réunion, un ingénieur est captivé par le décor et les sommets. Au point de prolonger son séjour et d’aller camper dans les hauteurs. Menant quasiment une vie d’anachorète (qui agace certains de ses proches), il découvre une étrange entité lumineuse…

En miroir à l’excellent Sundown (2022) de Michel Franco – suivant la subite désertion d’un homme aspirant à une solitude frugale dans une station balnéaire mexicaine –, La Montagne propose une version couleur hermine, à l’ombre des massifs alpins, d’une fuite comparable puisqu’elle se double d’une quête intérieure. Dépourvu d’explications visant à justifier la décision du héros (d’ailleurs, faut-il ?), le film permet d’épouser son besoin de temps, d’immensité. Sa nécessité de marquer une rupture franche, qu’on anticipe lorsqu’il quitte son domicile parisien comme on quitte une location après un état des lieux (en ordre, sans trace de passage), comme l’on tourne une page pour en débuter une nouvelle, immaculée. Thomas Salvador aurait pu s’arrêter à un récit contemplatif et "d’évaporation" ; il le prolonge par une rencontre aux lisières du fantastique conférant à sa fable une dimension un brin mystique. N’était la poésie tranquille des effets visuels (réalisés sans bimbeloterie numérique, ça change), on pourrait croire que l’auteur-acteur a versé dans un vague new age. Il semble heureusement avoir conservé les pieds sur terre.

De & avec Thomas Salvador (Fr., 1h55) avec également Louise Bourgoin, Martine Chevallier…


★★★☆☆ Astérix et Obélix : L'Empire du Milieu 

L’impératrice de Chine ayant été capturée par le félon Deng Tsin Qin, la princesse héritière Fu Yi part demander de l’aide aux irréductibles Gaulois. Astérix et Obélix se rendent donc dans l’Empire du milieu – lequel attire aussi la convoitise de César, en quête d’un coup d’éclat pour retrouver l’amour de Cléopâtre…

Gilles Lellouche le dit lui-même : les Astérix sont des films « prétextes » ou, pour le formuler autrement, des capsules, customisées pour s’adapter à chaque époque. Autour des invariants totémiques (les caractères et situations plantés par Goscinny & Uderzo), les variables d’ajustement que sont les caméos (ici, tout l’alphabet des vedettes du moment, d’Angèle à Zlatan), les références à l’actualité (Astérix milite en faveur d’une alimentation moins carnée auprès d’un Obélix incrédule puis indigné) mais heureusement pas de police de la pensée jugeant offensantes les caricatures culturelles. Fatalement inégal, lesté par l’usage de scies musicales éculées (Say you, say me ou Dirty Dancing, même en chinois, on n’en peut plus), cet opus gagne ses galons grâce à l’adéquation entre certains comédiens et leurs personnages. Lellouche, pour commencer, compose un Obélix réussi, à la fois tendre et boudeur. Idem pour Cassel, en César surexcité et imbu de ses lauriers ou Cotillard, dans un double rôle inattendu – ce n’est pas en Cléopâtre qu’elle est la plus drôle. Enfin, si Cohen est égal à ce que l’on peut attendre de lui, saluons les deux découvertes que sont Julie Chen et Leanna Chea, alias Fu Yi et Tat Han. On espère les revoir.

De & avec Guillaume Canet (Fr., 1h51) avec également Gilles Lellouche, Jonathan Cohen, Vincent Cassel, Marion Cotillard…


On s’en contente

★★☆☆☆ Piro Piro 

Cette collection de films d’animation (parfois très) brefs laisse un tantinet circonspect car on se demande si tous sont bien à destination du jeune public. Non qu’il s’agisse d’œuvres lestes pour des yeux chastes, mais parce que certaines s’aventurent du côté d’un non-narratif ayant de quoi déconcerter des petits spectateurs ; ajoutez à cela l’effet zapping (6 films en 40 minutes) : il y a de quoi être désorienté – il manque ici, pour ainsi dire, la contextualisation (géographique notamment) et ce lien entre tous les films qui permet à Fantasia par exemple de jouer sur l’épure et l’abstraction. Malgré tout, on retient deux courts-métrages plus abordables dans le programme : Piro Piro, donnant son titre en l’ensemble (une histoire d’amour entre deux oiseaux, l’un libre, l’autre captif) et The Newly Coming Seasons, une évocation de la DMZ, zone démilitarisée tampon entre les deux Corée peuplée d’animaux mais soumise aux heurts entre les hommes. On l’avait déjà vue traitée dans Nous, les chiens (2020).

Animation dès 3 ans de Baek Miyoung & Min Sung-Ah (Co. du S., 39min.)

 

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Cinéma...

Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 9 mai 2022 Trois ans après sa dernière “édition normale“, le Festival du cinéma italien de Voiron est enfin de retour au printemps en salle. Avec un programme dense, des invités et… sa désormais célèbre pizza géante. A tavola !
Vendredi 22 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers ("Ce sentiment de l’été", "Amanda"…) en restitue ici simultanément deux profondément singuliers : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une...
Lundi 11 avril 2022 Alors que quelques-unes de ses œuvres de jeunesse bénéficient actuellement d’une ressortie dans des copies restaurées en 4K grâce au travail toujours (...)
Mardi 12 avril 2022 Un film de 8 heures qui raconte l'histoire d'activistes débutants, qui s'attaquent, à Grenoble, à des sites techno-industriels... C'est la projection que propose le 102, dimanche 17 avril.
Lundi 11 avril 2022 Piochés dans une carrière où l’éclectisme des genres le dispute à la maîtrise formelle et à l’élégance visuelle, les trois films de Mankiewicz proposés par le Ciné-club rappellent combien moderne (et essentiel) demeure son cinéma. On fonce !
Mardi 12 avril 2022 Né sous les auspices de la Cinéfondation cannoise, coproduit par Scorsese, primé à Avignon, "Murina" est reparti de la Croisette avec la Caméra d’Or. Une pêche pas si miraculeuse que cela pour ce premier long-métrage croate brûlé par le sel, le...
Mardi 29 mars 2022 Il s’agit désormais d’une tradition bien établie : chaque année, le festival Ojo Loco rend hommage au cinéma de genre le temps d’une nuit (agitée !) à (...)
Mardi 29 mars 2022 Aussi singulière soit l’histoire d’un voyage, il y a toujours un fond d’universel qui parle à chacun. Le festival isérois Les clefs de l’aventure n’existe (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X