Philippe Jaenada : « je n'aime pas écrire de la fiction »

Fête du Livre de Bron / C'est le prince de la parenthèse, l'empereur de la digression, le king de l'auto-dérision, et sans doute l'écrivain français le plus drôle de ces mille dernières années. Il a aussi été dans une autre vie, la première "animatrice" de Minitel rose de France (et donc du monde). Après sept livres hilarants (et souvent émouvants) sur sa vie ou presque, Philippe Jaenada a opéré en 2012 un virage important en se lançant dans le récit de grandes erreurs judiciaires (où son art du storytelling et de l'auto-mise en scène font toujours mouche). Alors qu'il publie Sans preuve et sans aveu, un livre qu'il ne voulait pas écrire mais pour lequel il est invité à Bron, Philippe Jaenada nous dit tout. Entre guillemets et entre parenthèses. 

Chaque entrée en écriture est unique. La vôtre est particulièrement singulière puisqu'elle est née d'un job d' « animatrice » de Minitel rose. Puis d'une expérience d'enfermement total qui a duré un an. Enfin, d'une injustice dont vous avez été victime après avoir sauvé un petit vieux d'une agression.
Philippe Jaenada : C'est une succession d'étapes (commençant bien loin de la littérature). C'est avec le recul que j'ai fini par me dire : « peut-être que le fait d'avoir animé les tous premiers forums de discussion de Minitel rose a dû jouer un rôle dans le processus qui m'a amené à publier un livre beaucoup plus tard ». Mais en fait à aucun moment je me suis dit (soyons honnêtes (à ce moment là j'avais 21-22 ans)) : « j'aime bien l'écriture, je vais écrire des livres ». Je n'étais pas du tout un littéraire, je ne lisais jamais depuis ce qu'on m'avait fait lire au lycée. En fait, à l'époque, La Poste avait distribué quelques Minitels pour tester le truc. Mes grands-parents en avaient un, je ne savais même pas ce que c'était (eux encore moins), un jour je vais les voir je l'ouvre, je tape dessus et à ma grande stupeur, quelqu'un me répond « Salut, je suis à Strasbourg » (j'étais à Marseille).

Quelques temps après, je vois une petite annonce d'un type qui lance un site de rencontres érotiques ou quelque chose comme ça. Il cherchait des mecs acceptant de se faire passer pour des filles (parce que la clientèle était exclusivement masculine). Ça m'a amusé parce qu'à l'époque, il n'existait aucun moyen au monde de discuter avec quelqu'un qui se trouvait à 500 km (évidemment quand je parle de ça à mon fils, il me regarde comme si j'avais découvert le feu). Là, tout d'un coup, moi qui était timide, je pouvais parler avec n'importe qui. Et surtout je me suis rendu compte du pouvoir de la chose. Il suffisait que j'écrive (en me faisant passer pour Claire ou Sophie) « Salut Patrick, attends deux secondes, je sors de la douche, je mets ma culotte et je reviens » et le mec partait dans des transes incroyables (s'il avait su à qui il parlait, il aurait eu un sacré choc). Avec le recul, je me dis que de simples symboles en forme de lettres sur un écran pouvaient provoquer des émotions fortes.

Trois ans après, j'avais arrêté et j'étais passé à l'écriture de fausses lettres de cul dans des journaux érotiques. Des trucs du genre : « Bonjour, hier je suis passée devant une caserne de pompiers, ils m'ont appelée. Quelle après-midi extraordinaire avec quinze pompiers ! » (c'était toujours très éloigné de la littérature). Et puis en 1989, je m'enferme chez moi pendant un an parce que j'étais en train de perdre la tête (je n'allais vraiment pas bien). Évidemment, comme je n'ai ni télé, ni téléphone, ni rien, au bout d'un mois, je m'ennuie à mourir et n'ai aucun moyen de m'exprimer (même pour dire à la voisine : « aujourd'hui, j'ai mal aux pieds »). Pour me distraire, je me mets à écrire parce que j'ai un stylo et du papier. Des nouvelles, des trucs inventés. Sur le moment, pour moi, c'est comme faire du coloriage. Mais si on regarde l'ensemble des quarante dernières années, c'est à ce moment-là que j'ai commencé à écrire.

Quand commencez vous à faire quelque chose de ces écrits ?
Quand un type que je connais me demande ce que j'ai fait pendant un an. Je lui dis que j'ai écrit. Lui venait de trouver un poste dans un journal, L'Autre journal. Il a filé un texte au rédacteur en chef qui l'a publié (je ne sais pas trop pourquoi, surtout que c'était payé). Mais je n'ai écrit mon premier roman qu'en 1997. J'écrivais une nouvelle qui parlait d'une mésaventure qui m'était arrivé, elle commençait à faire 20, 30, 40 pages. C'était impubliable dans L'Autre Journal, et j'ai continué pour en faire un roman. C'était Le Chameau Sauvage.

Vous êtes connu pour vos digressions et parenthèses enchâssées, y compris d'ailleurs quand vous envoyez un mail. Est-ce parce que vous avez commencé à parler de vous-même que vous avez mis le doigt sur votre style ?
C'est encore une sorte de hasard. Mais à ce moment-là, je n'avais toujours pas récupéré le téléphone après mon expérience d'enfermement et je correspondais avec le peu de gens que j'aime uniquement par écrit (il faut dire que j'ai alors un métier qui laisse beaucoup de temps libre) : j'envoyais des lettres, peut-être 40 pages de correspondances par jour, où je racontais ma vie, en détails, comme on le ferait au téléphone. Dès que ce que j'écrivais me faisait penser à quelque chose, au lieu d'en parler plus tard, je le mettais dans une parenthèse. Pas par souci de style (parce que quand j'écrivais des nouvelles j'essayais vraiment de faire de la littérature, des belles phrases, élégantes, rythmées et surtout originales (je mettais des mots à des endroits inattendus)).

Quand j'ai voulu écrire cette nouvelle, je me suis mis à écrire comme ça, mais ça ne reflétait pas ce qui m'était arrivé. Je l'ai donc écrit comme si j'écrivais une lettre à ma sœur. J'avais lu cette phrase de Deleuze qui dit : « Un grand écrivain est toujours comme un étranger dans la langue où il s'exprime, même si c'est sa langue natale » mais je l'avais mal comprise. Je pensais qu'il fallait se décaler par rapport à sa langue de base mais en fait il s'agissait d'être décalé par rapport à la langue officielle. Et ma langue à moi était déjà décalée par rapport à la langue officielle, je ne l'ai compris qu'à ce moment-là. En écrivant comme je le faisais dans mes lettres, c'est devenu de la littérature.

Cette nouvelle dont vous parlez c'est justement le début du Chameau Sauvage, qui raconte la fois où vous défendez un petit vieux qui se fait agresser et c'est vous qui vous retrouvez en garde-à-vue...
Oui, quand je suis rentré de cette garde à vue, j'étais à la fois furieux et amusé, parce que c'est le premier geste un tant soi peu héroïque dans ma vie (je ne suis pas d'un courage fou et j'étais bourré) et ça se retourne contre moi (et ils n'ont pas été tendres pendant la garde à vue). Avant j'écrivais de la fiction pour me sortir de moi-même et de mon enfermement. Là pour la première fois, je raconte un truc qui m'est arrivé et je me mets à rentrer dans les détails de chaque minute de cette garde à vue. Et instantanément, j'ai pensé tenir quelque chose avec un thème contenu dans cette nouvelle : le type qui essaie de faire de son mieux et qui n'a pas de chance et ça tourne à la catastrophe. J'ai donc continué sans savoir où j'allais (c'est la seule fois où ça m'est arrivé).

Je me sens à l'écart

Il y a une autre caractéristique dans votre œuvre, c'est ce sens de l'auto-dérision et des situations à la fois ridicules et drôles, parfois dans des moments particulièrement difficiles. Est-ce une manière de vous mettre en recul, de pratiquer un auto-exorcisme des situations ?
Ce n'est pas réfléchi du tout. Mais ça vient de cette première scène avec ce mélange d'injustice et de dérision. À l'époque, je m'imaginais souvent en haut d'un réverbère me regardant, moi, en bas en train de vivre quelque chose de pénible et me disant : « c'est rien, c'est même plutôt drôle ». Cette première scène c'était exactement ça. Alors, ça ne vaut pas pour toutes les situations : si je perds mon fils ou qu'on lui coupe les deux jambes, je vais avoir du mal à prendre un minimum de recul. Mais je pense que ce mécanisme vient aussi du fait que je ne me sens pas incrusté dans le monde (c'est pour ça que j'ai pu m'enfermer chez moi pendant un an) : je sors très peu, je n'ai pas d'amis, je me sens à l'écart, sans connotation négative. Ça me plaisait de raconter ma vie (avec quelques modifications) sans aller dans le pathos. Je trouvais ça intéressant de le faire avec un peu de recul (ou perché sur un réverbère). De manière un peu simpliste, quand j'écrivais Le Chameau Sauvage, je m'étais fixé comme contrainte de ne décrire aucune émotion, ou description d'ordre esthétique, uniquement des actions. Je pensais (je le pense toujours) que par les gestes ou les mots on peut faire ressentir autant de choses. Dans mon deuxième livre, Nefertiti dans un champ de cannes à sucre, qui est ma rencontre avec ma femme (un bouleversement sentimental gigantesque dans ma vie), j'ai essayé de ne pas dire « je l'aime, elle m'émeut », j'ai essayé de traduire tout ça en actes, en gestes, en paroles, en faisant en sorte que les émotions passent par là. Cette distance de l'autodérision vient de ce refus de raconter depuis l'intérieur parce qu'à l'intérieur c'est le bazar. Et si on veut peindre un bateau, on ne reste pas sur le pont, on va sur la plage.

Cette manière de faire est aussi ce qui donne l'impression dans vos livres d'être pris dans un tourbillon. Le summum étant sans doute Plage de Manaccora, où on est littéralement emporté par tout ce qui se passe sans jamais s'arrêter pour s'appesantir [il y raconte comment il a faillit mourir dans un incendie avec sa femme, son fils et des dizaines de personnes pendant des vacances en Italie].
Plage de Manaccora est vraiment le bon exemple de la situation où j'ai du mal à avoir du recul. Là, on n'est pas sur une petite garde à vue, on était vraiment persuadés de mourir à la fin. Je me suis demandé comment obtenir ça pour ne pas faire un récit trop intérieur. C'est pour ça que tous les débuts de chapitre débutent par un souvenir. Ç'aurait été mentir, au moment où les flammes sont partout autour de nous, de dire que je vois ça avec de l'autodérision. D'où un détachement dans le temps. Il n'y a qu'un moment où je peux sincèrement prendre ce recul. Quand tout à la fin, ma femme se change sur la plage et que le mec derrière, qui pourtant est en pleurs, regarde son cul. Ça, ça m'a vraiment fait sourire sur le moment. Si je le mets dans le livre, je ne triche pas.

Vous n'avez connu un important succès critique et commercial qu'à partir de Sulak, votre premier livre dit "sérieux". Même si vos livres plus récents sont toujours empreints d'humour – et vous dites que ce n'est pas toujours bien perçu –, cela pose la question de l'humour dans la littérature française : contrairement à la littérature anglo-saxonne, être un écrivain drôle, c'est être un drôle d'écrivain.
Je ne me suis jamais dit : « on me prend pour un écrivain rigolo, vous allez voir ce que vous allez voir, je vais parler de drames terribles. » Mais ce que vous dites est vrai. Tous mes livres "sérieux" ont été sur les listes des prix littéraires [NdlR : La Serpe a remporté le Prix Fémina]. Jamais (à part le Prix de Flore pour Le Chameau Sauvage (mais à l'époque les mecs du Flore étaient de sacrés rebelles)) aucun de mes livres précédents n'a été sur une liste. Mais si l'on prend un livre comme Le Cosmonaute, pour moi c'est un livre très sérieux et vraiment douloureux. La vie que j'y raconte à cette période avec ma femme et notre fils était vraiment un enfer. Pour moi c'est un livre absolument dramatique mais (comme c'est ma nature), je le présente comme quelque chose d'absurde.

Et quand le livre sort, le premier papier, dans Elle, titre : « le roman le plus drôle de l'année ». Moi, je me dis « c'est la pire période de ma vie, le roman le plus noir de ma vie et les gens se disent : « ah les histoires avec ce bébé et cette femme maniaque, qu'est-ce que c'est drôle ! » ». Pour autant, ça ne peut pas me déranger et je sais que ce livre a touché des gens. Je sais aussi qu'on ne peut pas imposer son point de vue au lecteur. Mais en réalité, il n'y a pas un chef d'œuvre de la littérature qui ne soit pas drôle. Kafka c'est drôle, Proust, c'est drôle. C'est impossible d'écrire un bon livre dénué d'une forme d'humour (et il y en a beaucoup). Je viens de lire un truc qui s'appelle Nein, Nein, Nein de Jerry Stahl sur l'histoire d'un type torturé, dépressif qui s'offre un voyage en car dans les camps de la mort. C'est l'épouvante absolue et en même temps c'est ultra drôle. Me concernant, je serais incapable de raconter les choses sans humour ou autodérision, mais c'est vrai que parfois c'est un peu frustrant de n'être vu que sous cet angle. C'est comme avoir de beaux habits et n'être perçu qu'à travers son élégance.

Je n'avais donc plus rien à raconter

Votre œuvre débute donc par une série de romans en partie autobiographiques où s'affirme votre style, puis au bout de presque 20 ans s'opère un virage vers des livres dossiers sur des affaires judiciaires où vous menez la plupart du temps des contre-enquêtes. Comment s'est produit ce revirement ? Qu'est-ce que cela a changé dans votre manière de travailler ?
Ç'a changé ma manière de travailler simplement parce que ma source d'information, ce n'est plus moi et ma mémoire. Là, ça se déplace et quand je raconte la vie de Bruno Sulak (Sulak) ou de Pauline Dubuisson (La Petite femelle), je ne les connais pas comme ma vie à moi et il faut que je me documente. J'ai évidemment conscience (et on m'en parle souvent) de ces deux périodes (autobiographiques et dossiers) mais pour moi il n'y a pas de différence. Ce qui unit tout c'est que je n'aime pas écrire de fiction, en tant qu'auteur ça ne m'intéresse pas que tout soit possible, ouvert (en tant que lecteur si). Si j'étais peintre je préférerais peindre ma grand-mère plutôt que d'inventer un visage de vieille dame.

Ce qui vous intéresse c'est le récit...
… de regarder quelque chose et de le raconter. Ce que j'aime c'est la narration, la transmission, la traduction du réel. C'est pour ça que mes sept premiers romans suivent ma vie : le célibat dans Le Chameau Sauvage, la rencontre avec ma femme dans Nefertiti, la naissance de mon fils dans Le Cosmonaute, c'est assez élémentaire...

C'est Antoine Doinel, en quelque sorte...
Exactement, ça ressemble à ça (bon, je ne me compare pas à Truffaut...). Toujours est-il qu'est arrivé un moment dans ma vie (que j'aime mais qui est monotone) où je me rends compte qu'elle est la même aujourd'hui qu'en 2001 quand j'ai écrit Le Cosmonaute. Il y a eu quelques sursauts comme Manaccora, des trucs tombés du ciel. En 2011, j'ai écrit La Femme et l'ours, qui est la fin du cycle (un mec tente d'échapper à sa vie trop plate et se met à faire n'importe quoi). Je n'avais donc plus rien à raconter et j'en avais marre, en fait. Ayant une vie très enfermée, aucune activité sociale à part le bistrot en bas de chez moi, ma seule ouverture c'est l'écriture et dans l'écriture, je replongeais dans ma vie. C'est comme avoir deux fenêtres et sortir par une pour rentrer par l'autre. Je me suis dit : « j'arrête ». Et comme je ne voulais pas faire de fiction et que ma vie n'était pas plus intéressante que celle des autres, je me suis dit : « je vais raconter la vie de Bruno Sulak ». C'est comme si je racontais ma vie, sauf qu'il a fait des trucs spectaculaires, rocambolesques. Ça ne pouvait qu'être mieux. Mais sa vie, comme celle de Pauline Dubuisson, je les ai racontées comme si c'était la mienne.

Vos derniers livres attaquent la plupart du temps les injustices, les erreurs judiciaires. Faut-il y voir un lien avec la scène primitive de votre œuvre : cette garde à vue rocambolesque après le sauvetage du vieillard agressé ?
Il y a un lien évident. C'est pour ça que pour moi il n'y a pas deux périodes différentes dans mon œuvre. Bien sûr, je ne peux pas comparer le fait que Pauline Dubuisson ait fait des années de prison avec le fait que j'ai passé 24 heures en garde à vue pour avoir essayé de sauver un vieux. Mais quand une petite chose vous arrive à vous, elle prend des proportions considérables. Et dans ma vie à ce moment-là, ç'a eu une importance forte. Et puis d'un autre côté, si je fais un livre de 700 pages sur Jean-Pierre Tartempion qu'on a accusé de voler une pomme qu'il n'avait pas volé, on risque de trouver ça un peu long. Mais pour moi, Le Chameau Sauvage et La Serpe, c'est le même genre d'intensité dramatique.

Votre dernier livre, Sans preuve ni aveu, est un peu particulier. C'est en quelque sorte une commande puisque Alain Laprie, condamné en appel pour le meurtre de sa tante en 2004, sans preuve ni aveu, donc, vous a contacté et que vous n'avez pu en quelque sorte refuser son appel... Quelles sont les circonstances de ce livre ?
Il n'y a rien que j'ai choisi. Quand on écrit ce genre de livres, on est bombardé toute la journée de sujets possibles (en lisant les journaux, en regardant la télé, ou en croisant des gens). La différence est dans le choix. C'est un truc de l'ordre de l'intuition. Là, non. Et d'ailleurs je ne voulais pas écrire de livre. Je rencontre Alain Laprie par hasard à ma première dédicace pour Au Printemps des monstres. Je me dis « non, pitié, encore un qui va me raconter le malheur qui lui arrive » (ça m'arrive tout le temps). Bon, il me raconte, ça me touche (mais je ne vais pas écrire un livre pour autant). Il part en prison, je reste en contact avec sa femme. Je finis par m'intéresser à l'affaire et là je sais que je suis happé par le truc et que je ne peux pas écarter ce type et me dire que je m'en fous. (sauf que je ne veux pas écrire de livre).

J'ai pas mal de contacts dans la presse et j'essaie d'utiliser ma petite notoriété pour contacter le rédac' chef de L'Obs, quelqu'un à France Inter, pour essayer d'en parler. Tout le monde me dit ok. L'Obs me donne quatre pages, d'autres journaux aussi, sauf que je suis naïf et qu'on me demande partout de ne pas écrire chez la concurrence. Ce que j'avais imaginé (écrire dans tous les journaux sur cette injustice) n'est pas possible. Il ne me reste qu'a écrire un livre. Je ne l'ai pas écrit parce que j'en avais envie. Et c'est un livre que j'ai écrit très vite, qui ressemble à ce que j'écris d'habitude pour qu'on s'y intéresse mais il est à part. Le but ce n'était pas de faire un roman qui plaise aux gens mais de servir de chambre d'écho.

Le livre débute d'ailleurs par cette phrase magnifique qui résume tout, y compris votre démarche pour ce livre : « Il faut que j'écrive vite, on ne m'en voudra pas (non) : la littérature, parfois, tant pis. »
C'est sincère. Je m'étais juré de ne jamais écrire sur des gens vivants. Je ne suis pas à l'aise avec ça. J'espère que ça aura un effet positif sur la vie d'Alain Laprie mais ç'a aussi un effet sur la vie des gens qui l'ont accusé. C'est comme si j'attaquais ses cousins. C'est d'ailleurs un livre que je n'ai jamais signé, dédicacé, je n'ai pas fait de service de presse. Ce n'est pas un caprice de starlette, je ne veux juste pas faire l'auteur avec ce livre.

Votre éditeur avait des craintes  ?
Plus que des craintes, il m'a déconseillé de le faire. Pour des raisons parfois un peu cyniques. C'est très lent de s'installer, de se faire une image. Là, vis-à-vis des critiques, des jurés de prix, c'est délicat. On peut se dire : « Jaenada se prend pour un justicier » (je le dis d'ailleurs au début du livre). Bon, mon éditeur ce qui l'intéresse, c'est la littérature. Mais après tout on a aussi le droit d'aider les gens, on n'est pas obligé de s'enfermer dans une posture d'écrivain. Si un gamin à trottinette se casse une jambe dans la rue devant moi, je ne vais pas passer mon chemin en lui disant « écoute, j'ai rendez-vous avec une journaliste du Monde ». Au moins, je le relève. J'ai fait ce livre parce que je ne pouvais pas ne pas le faire.

Philippe Jaenada, Sans preuve et sans aveu (Mialet-Barrault)
Rencontre avec Grégoire Bouillier à la Fête du Livre de Bron le dimanche 5 mars à 17h

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