Au cinéma le 14 juin 2023 : "Love life", "La Nuit du verre d'eau", "Fifi", "Le Processus de paix"...

À l'affiche / Ce qu'on a pensé des films qui sortent dans les cinémas de Grenoble cette semaine.

À voir

★★★☆☆ Love Life 

Accueillant pour une célébration familiale les parents de son mari Jiro (qui habitent en face de chez eux), Takeo voit sa fête prendre brutalement un tour tragique. Peu après, le père biologique du fils de Takeo refait surface ; dans le même temps, Jiro reprend contact avec son ex…

Face à cette chronique d’une famille en plusieurs mouvements (et plusieurs fragments), comment ne pas penser à l’univers à la fois intime et terriblement sensible de Kore-eda ? S’attachant au plus près des sentiments dans tout ce que l’éventail de l’humanité peut permettre, mais sans choir dans les outrances du mélo, Kôji Fukada montre les infinies nuances du ressentiment, de la jalousie, du chagrin, mais aussi l’amour invincible éprouvé par des personnages dont les trajectoires et les affects sont tout sauf monotones. D’ailleurs, comme dans une partie d’Othello (le jeu favori du fils de Takeo), les perspectives peuvent ici en un instant changer radicalement. Quant aux mensonges ou aux dissimulations, ils n’ont pas forcément d’intention malveillantes – les silences de Love Life s’avèrent même puissamment éloquents : l’ex de Takeo étant muet (et coréen), il signe pour s’exprimer ou traduire ce que la mère de son fils ne peut comprendre. Le tact dont Fukada fait preuve pour aborder des sujets terribles se retrouve dans sa mise en scène d’une sobre fluidité, presque aérienne, jamais étouffante dans les espaces clos. On pourrait s’interroger sur le message optimiste renvoyé par le titre, eu égard au contenu parfois dramatique du film ; le plan final le légitime tout entier.

De Kôji Fukada (Jap., 2h04) avec Fumino Kimura, Kento Nagayama, Atom Sunada…


★★★☆☆La Nuit du verre d’eau 

Liban, les années 1950. Loin de Beyrouth, dans les montagnes, les filles du chef du village mènent une vie détachée des remous de la révolution qui secoue le pays. Si l’aînée s’est coulée dans le moule de la tradition en épousant un homme, les cadettes manifestent davantage de désir d’émancipation…

Évocation teintée d’autobiographie mi-joyeuse, mi-mélancolique, le film de Carlos Chahine encapsule davantage que des souvenirs personnels. Bien sûr, il y a le regard candide et insouciant d’un enfant plutôt privilégié et choyé, tranchant avec la condition des autres gosses vivant dans ce cadre rural au bord de l’austérité. Mais le Carlos Chahine adulte complète l’arrière-plan, reconstituant un contexte plus tourmenté : la mère du garçonnet s’affranchit progressivement d’une double (voire triple) tutelle masculine en flirtant avec un Français de passage, ses tantes tentent de faire vaciller le patriarcat ambiant en choisissant leurs amants et leur destin ; quant aux adultes de cette société virile, ils ne sont guère ouverts à la différence de manière générale. La Nuit du verre d’eau rappelle à certains égards – le décor résolument oriental et l’époque teintée par les fifties mis à part – ce que Vittorio de Sica avait cristallisé dans Le Jardin des Finzi-Contini : l’imminence crépusculaire d’une fin de règne tragique.

De Carlos Chahine  (Fr.-Lib., 1h23) avec Marilyne Naaman, Antoine Merheb Harb, Nathalie Baye…


★★★☆☆Fifi 

Fifi, 15 ans, désespère à l’idée de passer un été-HLM dans sa famille déstructurée. Et voici que le hasard lui met entre les mains les clefs de la luxueuse villa de sa copine Jade, partie avec ses parents. Fifi décide de taper l’incruste dans la propriété. Quand le grand frère de Jade débarque, les deux vont cohabiter…

“L’inconnue dans la maison“, “Fais-moi des vacances“… Ces titres (déjà pris) auraient tout aussi bien pu convenir à ce premier long du duo Aslan/Saintillan explorant à hauteur d’adolescence et à lisière d’âge adulte le déterminisme social… sans pour autant sombrer dans les abîmes du misérabilisme crin-crin. Meilleure alliée pour ce conte initiatique, l’ambiance solaire de l’été, qui gomme dans sa lumière dorée pas mal de différences : le désœuvrement des uns peut se confondre avec le farniente ou le dilettantisme des autres. Jouant sur différents niveaux de troubles et de suspense avec adresse, Fifi donne à éprouver le malaise ressenti par sa protagoniste, probable future transfuge de classe, oscillant entre son milieu d’origine – un appartement surbondé – et ce havre de quiétude. Un mot sur le rôle repoussoir de la mère peu responsable de Fifi, campée par Chloé Mons : épouvantablement crédible avec sa mise de Béatrice Dalle blonde, elle s’avère surprenante dans sa gravité finale. Une sacrée trouvaille.

De Jeanne Aslan & Paul Saintillan (Fr., 1h48) avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire, Ilan Schermann…


On s’en contente

★★☆☆☆Le Processus de paix 

Pour préserver leur couple et leur famille d’une rupture fatale, Marie et Simon décident de rédiger (et respecter) une sorte de pacte de non-agression mutuelle, la “Charte universelle des droits du couple“ reposant sur l’écoute, la concession et la maîtrise de soi. Sur le papier, ça peut fonctionner. Mais en vrai ?

Ilan Klipper est un cinéaste aussi prolifique et fidèle à ses comédiens (Camille Chamoux, Laurent Poitrenaud) qu’éclectique dans ses projets. La preuve avec cette comédie sentimentale allenienne made in Paris, arrivant après un documentaire consacré à des personnes longeant la folie (Funambules) lui-même succédant à une fiction poétique-barrée au ton très indé (Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête). Cette variété d’approches autour d’acteurs-pivots laisse entrevoir qu’il se cherche ; il ne s’est pas encore trouvé avec Le Processus de paix. Suivant un schéma un peu daté (qui a cependant connu son heure de gloire dans les année 1990), cette comédie de mariage-démariage mâtinée de dramédie juive étonne guère – Jeanne Balibar en cougar : au secours ! ; Poitrenaud en patron de radio débitant du franglais d’école de commerce : dejà-vu ; Ariane Ascaride en matriarche ultra libre et castratrice : énième avatar de Marthe Villalonga etc. Heureusement, il y a des instants de grâce, en particulier dans les séquences avec Sofian Khammes et la trop rare Sabrina Seyvecou, le second couple du film. Aussi drôles et inattendus en parents de petits monstres indisciplinés ou amoureux paradoxaux, ils justifient à eux seuls de voir ce film.

De Ilan Klipper (Fr, 1h32) avec Camille Chamoux, Damien Bonnard, Jeanne Balibar…

à lire aussi

derniers articles publiés sur le Petit Bulletin dans la rubrique Cinéma...

Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Lundi 9 mai 2022 Trois ans après sa dernière “édition normale“, le Festival du cinéma italien de Voiron est enfin de retour au printemps en salle. Avec un programme dense, des invités et… sa désormais célèbre pizza géante. A tavola !
Vendredi 22 avril 2022 Orfèvre dans l’art de saisir des ambiances et des climats humains, Mikhaël Hers ("Ce sentiment de l’été", "Amanda"…) en restitue ici simultanément deux profondément singuliers : l’univers de la radio la nuit et l’air du temps des années 1980. Une...
Lundi 11 avril 2022 Alors que quelques-unes de ses œuvres de jeunesse bénéficient actuellement d’une ressortie dans des copies restaurées en 4K grâce au travail toujours (...)
Mardi 12 avril 2022 Un film de 8 heures qui raconte l'histoire d'activistes débutants, qui s'attaquent, à Grenoble, à des sites techno-industriels... C'est la projection que propose le 102, dimanche 17 avril.
Lundi 11 avril 2022 Piochés dans une carrière où l’éclectisme des genres le dispute à la maîtrise formelle et à l’élégance visuelle, les trois films de Mankiewicz proposés par le Ciné-club rappellent combien moderne (et essentiel) demeure son cinéma. On fonce !
Mardi 12 avril 2022 Né sous les auspices de la Cinéfondation cannoise, coproduit par Scorsese, primé à Avignon, "Murina" est reparti de la Croisette avec la Caméra d’Or. Une pêche pas si miraculeuse que cela pour ce premier long-métrage croate brûlé par le sel, le...
Mardi 29 mars 2022 Il s’agit désormais d’une tradition bien établie : chaque année, le festival Ojo Loco rend hommage au cinéma de genre le temps d’une nuit (agitée !) à (...)
Mardi 29 mars 2022 Aussi singulière soit l’histoire d’un voyage, il y a toujours un fond d’universel qui parle à chacun. Le festival isérois Les clefs de l’aventure n’existe (...)

restez informés !

entrez votre adresse mail pour vous abonner à la newsletter

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X