Azur et Asmar

de Michel Ocelot (Fr-Tunisie, 1h40) animation


De Michel Ocelot, on connaît ses deux Kirikou, «fleurons de l'animation à la française» comme on dit dans les mauvais journaux, mais moins son recueil de courts-métrages, Princes et Princesses, plus culotté au niveau de ses thèmes et plus radical quant à sa technique. Azur et Asmar, son nouveau film, est la synthèse remarquable de ces deux aspirations : le conte n'est plus africain mais oriental (et tout aussi inventé par Ocelot lui-même) et la technique se fait technologie puisque la 3D est pour la première fois employée par le réalisateur. Surprise : cela ne change rien, les personnages virtuels n'ont ici pas plus de volume et d'épaisseur (visuelle, s'entend...) que les papiers découpés de Princes et Princesses. Quant aux couleurs, elles sont d'une exceptionnelle variété et d'un raffinement inégalé. Mais Azur et Asmar n'est pas qu'une impressionnante réussite graphique, c'est surtout un récit trépidant doublé d'une véritable leçon politique pour les enfants (mais aussi pour leurs parents qui votent n'importe comment). À travers cette fable qui exalte la possibilité de compréhension entre les peuples et les cultures, Ocelot manie le trait (naïf) et le propos (lucide) avec une intelligence désarmante. Notamment quand ses deux aspirants princes (l'un arabe, l'autre aryen), plus amis que rivaux, croisent le chemin d'un occidental aigri et pouilleux, qui passe son temps à médire sur les coutumes et traditions orientales, cousin germano-gaulois d'OSS 117... Balayant tour à tour superstitions de là-bas et préjugés d'ici sans jamais tomber dans le prêchi-prêcha sur la tolérance, le film va loin dans l'idée d'un mélange des couleurs lors d'un ultime bal démasqué où chacun choisit sa chacune loin des stéréotypes et des idées reçues. Le cinéma pour mômes peut aussi connaître la loi du désir...Christophe Chabert


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