« Ce qui m'intéresse, c'est l'émergence »

Metteur en scène au théâtre et plus récemment à l'opéra, Jacques Osinski, 39 ans, prendra sa nouvelle fonction de directeur du CDNA en janvier prochain. Entretien sur son projet. Propos recueillis par Séverine Delrieu


Quel projet souhaitez-vous développer au CDNA ?
Jacques Osinski : En fait c'est un projet d'un metteur en scène associé à un collectif artistique qui est composé à la fois d'un scénographe, d'un costumier, d'un dramaturge, d'une éclairagiste, et d'un groupe de comédiens, un noyau dur de 5 comédiens. Ils sont constitutifs du travail d'une compagnie, et de son identité artistique. C'est-à-dire que je travaille précisément avec une famille d'acteurs et une famille artistique depuis une dizaine d'années…

Dans le cadre de votre compagnie La Vitrine ?
Oui voilà. Je souhaitais que ce soit un metteur en scène qui dirige le CDN, mais pas seulement, je voulais y associer cette famille artistique. Ce collectif va être très présent sur le terrain également.

C'est-à-dire ?
On va à la fois présenter des spectacles, et être sur le terrain. Pour donner une idée, au niveau des spectacles, on aura à la fois des grands textes du répertoire - cela rejoint ce que j'ai fait ces dernières années - comme par exemple Le Conte d'hiver de Shakespeare, qu'on va présenter en octobre 2008 à Grenoble. Puis des textes contemporains, par exemple, il y a un auteur que j'avais joué à Grenoble l'année dernière, Magnus Dahlström avec la pièce L'Usine, dont on va continuer le travail autour de cet auteur. Je vais aussi proposer un type de répertoire plus début du siècle : j'ai le projet d'une trilogie allemande, qui sera constituée du Woyzeck de Büchner, d'un texte d'Horváth Un fils de notre temps, et d'un auteur moins connu, Wolfgang Borchert. Le travail se fera aussi beaucoup sur le terrain. C'est-à-dire développer des petites formes dans le département de l'Isère, faire beaucoup d'actions culturelles. Il y aura autour de ces grandes formes et de ces moments de présence dans la Maison de la Culture, une programmation parallèle, ce que j'appelle « les moments particuliers ». C'est-à-dire des rencontres, des répétitions ouvertes, des lectures. Autour de Shakespeare, par exemple, on lira Les Métamorphoses d'Ovide en lien avec le spectacle. Il pourra y avoir des projections de films, des expositions. On veut vraiment créer du lien autour des spectacles.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux comédiens, artistes et compagnies locales ?
D'abord, le partenariat se prolonge avec le Conservatoire, puisque je vais sûrement prendre en charge L'Atelier Spectacles, à partir du mois de juin prochain. Je suis donc en lien avec Patrick Zimmerman. Mais on veut aussi développer un cycle de lecture de textes contemporains la saison prochaine : c'est-à-dire qu'on va créer un comité de lecture constitué par les membres du collectif. On lira les textes - notamment des textes d'auteurs français-, et on les mettra en espace. Des étudiants pourraient être associés à ces lectures, et je participerais au jury. Puis, je pendrais en charge les Ateliers Spectacles au CNR. Concernant les compagnies locales, dans le cahier des charges du CDN, on doit faire 3 spectacles par an. Soit une grande forme, une petite forme et un troisième spectacle qui est une co-production, un accueil. Donc là je pourrais - pas tous les ans, mais la saison prochaine je le ferai - co-produire et aider une compagnie de Grenoble. J'aimerais aider à la construction des corps de compagnie, dans la mesure de l'emploi du temps possible, et organiser des rencontres. Venant d'une compagnie, je crois savoir comment aider les autres. Par exemple, je prêterai la salle de répétition. Mais je dois dire que ce qui m'intéresse, c'est l'émergence, plutôt que les compagnies déjà connues et qui ont déjà des liens avec des structures.

Peut-on savoir quelle compagnie locale sera accueillie la saison prochaine ?
Je ne peux pas encore en parler. J'ai des idées, des pistes, mais je dois encore rencontrer les gens.

Même si ce n'est pas dans les attributions du directeur du CDNA, aurez-vous la possibilité de faire des propositions pour la programmation théâtrale ?
Effectivement, ce n'est pas dans les attributions du directeur du CDN. Néanmoins, avec Michel Orier, il y aura une synergie très forte entre le CDN et la MC2 et je pourrai lui proposer des choses, après, c'est lui qui décidera. Mais, ce que l'on voudrait, c'est qu'il y ait des réunions régulières où le directeur du CDN puisse lui dire, « j'ai vu cela, et c'est formidable ». On voudrait que cela circule plus. Michel Orier est très ouvert à cela. De même qu'avec les autres partenaires de la MC2, comme Jean-Claude Gallotta et Marc Minkowski, je solliciterai l'échange.

D'ailleurs, vous êtes aussi metteur en scène pour l'opéra - vous avez débuté avec Didon et Enée - avez-vous des projets avec Les Musiciens du Louvre ?
Là, je ne peux pas encore trop en parler, mais il est évident qu'il y a un terrain propice. Mais j'aimerais beaucoup collaborer avec Marc Minkowski et Mirella Giardelli. Cela pourrait être très intéressant dans un projet de décentralisation.

Globalement votre présence à Grenoble sera importante....
Oui. Il y aura une présence artistique forte tout au long de l'année et pas seulement au moment des spectacles. Je vais vivre à Grenoble, d'ailleurs je vais bientôt y déménager.

C'est votre première expérience de responsable d'un CDN. Comment envisagez-vous l'exercice ?
D'abord, j'aime bien Grenoble. Cela fait plusieurs fois que j'y joue, que j'y vais. C'est une ville que j'aime bien. Ce qui m'intéresse aussi, c'est le nombre d'étudiants, le nombre de jeunes, il me semble que c'est une ville assez vivante. J'aime bien les montagnes aussi (rires). Au-delà de ces côtés anecdotiques, ce qui m'intéressait aussi, c'est que le CDNA est dans une optique de création, et non pas dans une optique de programmation à tout prix. Et cela me correspondait bien : à la fois être axé sur la création et le rapport au public et avoir le temps de le faire. Car quand on programme, c'est très lourd pour un metteur en scène. Le fait que la MC2 fasse la programmation, pour moi ce n'est pas une frustration. Et l'identité du centre je vais la développer, la dynamiser par cette présence artistique forte, collective, dans les murs, et hors les murs. Mais aussi par la valorisation des métiers du théâtre et des ateliers. Je voudrais aussi développer un site internet du CDNA. Pour l'instant, il n'y en a pas. C'est un manque. Globalement, je souhaiterais qu'il y ait une visibilité plus forte. Puis, m'intéresser aux autres : être attentif à ce qui se passe dans la Région, dans la Ville.

Vous avez avec Michel Orier une relation de longue date. Comment s'envisage le travail avec lui ?
Il s'envisage dans une grande harmonie. Je le connais depuis Amiens. Il a beaucoup soutenu mon travail, mes productions. Il y a un lien de confiance qui va, je pense, créer une dynamique intéressante.


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