Compulsifs

Danse / L'Heure Bleue accueille en un même plateau les deux nouvelles créations de la compagnie ACA. Deux regards chorégraphiques aux ambitions distinctes, deux façons d'envisager la danse hip hop dans son spectre le plus large. François Cau


À l'origine, le désir de Habib Adel, créateur, chorégraphe, interprète de la compagnie ACA, de se retrouver seul sur scène pour un solo de sa création. Une forme courte (une vingtaine de minutes), intitulée Paire, à laquelle il décide d'adjoindre une chorégraphie supplémentaire laissée à l'appréciation des deux danseuses de la compagnie (Habib Adel se “contentera“ de superviser la direction artistique). Maryna Hedreville et Fathia Mansouri élaborent de concert la trame de Toc Toc, duo dont la visée est justement d'explorer la dualité de l'être humain via l'exploration dansée des Troubles Obsessionnels Compulsifs. Rassurons les anxieux impressionnables : l'ambiance n'est pas ici à la lourde charge démonstrative, mais à l'extrapolation sur le thème prédéfini. Les deux interprètes ne se laissent pas envahir par la gravité du sujet, mais composent au contraire, souvent avec légèreté, sur le fil d'une trame bien menée. Dernier élément de l'équation, la bande-son des deux pièces est composée par Julien Ensenat, qui signe pour sa première collaboration avec le spectacle vivant deux tracks influencées abstract hip hop, et, disons-le sans rougir, largement convaincantes.Multiplicité hip hopEntre les deux filages, Habib Adel coupe court à nos velléités de raccourcis hâtifs : il n'existe a priori aucun lien entre les deux pièces (une semaine avant les représentations, l'ordre de passage n'est pas encore défini), si ce n'est celui de démontrer l'éclectisme artistique de la compagnie. On débute donc avec Toc Toc. L'espace scénique est truffé d'objets du quotidien, autour desquels évolueront Maryna Hedreville et Fathia Mansouri, tantôt en binôme, tantôt en complémentarité distante. Les nappes électro les enveloppent de murmures saccadés, déstructurés, de discrètes accélérations soulignant la fluidité des tableaux exécutés en commun. Le rythme accuse quelques faiblesses pas vraiment dommageables, tant l'ensemble convainc, notamment à la grâce des interprètes. Lorsque Habib Adel entame son solo, la scène n'est dotée que d'un rideau duveteux sur lequel les jeux de lumière viendront bouleverser le regard. Jouant de cet accessoire unique, le chorégraphe interprète élabore un solo largement introspectif, souligné par les ténèbres assourdissants de la bande-son. Le danseur ne reste pas prisonnier de son dispositif scénique, il s'en échappe régulièrement au gré de mouvements syncopés complexes. Dans ce court passage, se dessine la raison d'être essentielle des deux spectacles : la nécessité de ne pas se laisser enfermer dans ses propres figures imposées, chercher le renouvellement des formes dans leur mise en abyme. Pari réussi.Un regard… des gestesPaire et Toc Toc, deux spectacles de la compagnie ACA, le mer 17 oct à 20h30, à l'Heure Bleue


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Minute blonde