Domaine universitaire, domaine d'art

1% / Trente huit œuvres d'art contemporain jonchent le domaine universitaire. Elles sont le résultat du 1% culturel appliqué à chaque construction publique. Chaque université de Grenoble dispose d'au moins une sculpture, la prochaine sera inaugurée à la fin de l'année près du CHU. Visite guidée dans ce musée hors les murs. Valentine Perazio.


Le domaine universitaire est un lieu d'art. Plus précisément, c'est un espace d'exposition d'art contemporain : près d'une quarantaine d'œuvres sont dressées sur l'ensemble des sites universitaires de Grenoble. Cachées dans l'enceinte des facultés, ou bien en vue au cœur du campus, ces sculptures, installations, mosaïques et peintures forment une richesse culturelle, et une originalité, de l'université grenobloise. «Je ne savais pas», s'étonne Emilie, étudiante en deuxième année de Droit. Le Calder ? «Ha, c'est des gros trucs comme ça ? Bizarrement, non, je n'avais jamais fait attention !». Peu de gens y prête attention ; pourtant certaines ne passent pas inaperçues. La Cornue, signée Alexander Calder, reste la plus connue, bien placée sur l'esplanade de la bibliothèque universitaire Droit-Lettres. L'œuvre est un assemblage de tôles d'acier qui a plus la forme d'un chat que d'une corne. Elle est parfaitement intégrée au paysage. Tout le monde la connaît, mais finalement sans y porter trop d'intérêt. «C'est vrai qu'on la voit, mais on ne s'est jamais demandé ce que c'était» note un groupe d'étudiants, assis devant la BU. Tout comme le Mur-Livre, du peintre Max Laigneau, situé dans le hall nord de l'université Stendhal. Il y a aussi ces mains géantes en acier près du laboratoire E.P.M. ou encore Le sentier planétaire de Manuel Forestini proche de l'UFR de biologie, qui représente le système solaire à échelle humaine. Ces œuvres répondent à un triple objectif : elles permettent à des artistes de tendances diverses de créer des œuvres pour un lieu de vie quotidien, de collaborer avec des architectes et d'éveiller le public à l'art contemporain. Elles répondent aussi à une commande étatique.Le 1% culturelDisposées sur le domaine universitaire, sur le Pôle Santé, près de l'Institut de la communication et des médias d'Echirolles, de l'Ecole d'architecture de Grenoble, ou encore sur le Polygone scientifique, les installations résultent de la loi du 18 mai 1951. Cette loi, communément appelée le “1% culturel“, impose à chaque construction publique de consacrer 1% de son budget à l'art contemporain. Toute nouvelle construction, rénovation ou extension de bâtiments publics y est soumis. «Nous sommes un des rares campus à respecter cette loi» commente Bertrand Vignon, chef de projet Culture à Grenoble Universités. Depuis 1992, une cellule est chargée d'une valorisation de ces œuvres d'art. Elle permet de préserver, de signaler et d'entretenir ces points dispersés. Car se sont une à deux œuvres par an qui sont commandées. La dernière a été inaugurée en juin, au pôle de chimie suite à une extension du bâtiment. A la fin de l'année une autre sera dévoilée au CHU. «Une commission se réunit pour choisir des jeunes artistes, explique Bertrand Vignon. Une personne du rectorat, l'architecte, et le directeur du bâtiment, entre autres, sélectionnent les dossiers. Ensuite l'artiste réalise son œuvre, en cohésion avec la structure d'origine».L'art et le sandwichLes œuvres s'intègrent, tel du mobilier urbain. Comme cet Arbres, briques de verre et ciment de Jean-Luc Vilmouth, disposé entre la Maison des Langues et des Cultures, la MSH-Alpes et ARSH. «À midi les étudiants mangent leurs sandwiches dessus, sans savoir que c'est une œuvre d'art» s'amuse Bertrand Vignon. «Pour nous c'est juste un banc, confirme Antoine, étudiant en Histoire. Maintenant que je le sais je ne le regarderai pas pareil ! Mais je continuerai à m'asseoir dessus». Les œuvres sont parfois détournées, comme Le front de Pierre Szekely, située sur l'entrée principale de l'université Pierre Mendès-France, qui sert, de temps en temps, de terrain de jeux aux enfants. Pour pallier ce manque de (re)connaissances, le pôle Culture de Grenoble Université va réaliser des courts métrages, diffusés sur TéléGrenoble, des affiches de présentation, et un site Internet informatif. La page Web “Campus des Arts“ sur le site de Grenoble Université permet de faire une visite virtuelle, et de repérer en quelques clics les mutiples installations, avec des photos et des explications sur les différentes œuvres. Il existe également des visites des différents sites, à pied ou à vélo, avec des commentaires d'étudiants en histoire de l'art. Lors des journées du patrimoine, ou après une demande par téléphone, les “guides“ du pôle culture peuvent donner quelques explications. Cela permet aux étudiants de mieux connaître le patrimoine mis à leur disposition, et de s'initier à l'art contemporain. «Le Calder sert parfois de support aux étudiants pour les affiches de revendications ou de soirées étudiantes, plaisante Bertrand Vignon. On leur rappelle alors que c'est une œuvre d'art...».


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