Les Pieux du stade


Soit une équipe jouant le match de la dernière chance à domicile : selon une série de chorégraphies liminaires, les joueurs s'installent avec fracas, dévoilent de façon lapidaire leur personnalité (triviale, joueuse, jalouse, colérique, orgueilleuse…), puis se recueillent tête baissée face aux admonestations du coach. Puis vient le moment d'entrer sur le terrain. Les meilleures scènes du spectacle sont largement celles qui chorégraphient les rituels de cette discipline singulière. Qu'il s'agisse de l'installation collective du décor, d'un début de bagarre, de recréations quasi abstraites de mouvements clés (mêlées ou touches), des changements de tenue des joueurs ou de leur séance de massage émaillée de râles puissants (séquences apparemment destinées aux fans d'un certain calendrier…), ou enfin d'une spectaculaire exécution du célébrissime Haka des All Blacks, la mise en scène parvient à insuffler ce qu'il faut de dramatique dans ces mouvements corporels communs pour faire éclater au grand jour la légitimation scénique du spectacle. Mais quand celui-ci se raccroche à une trame narrative secondaire pas assez développée, l'intérêt faiblit. D'autant que pour être honnête, l'exacerbation de la virilité de ces sportifs sur la sellette, faisant exploser leur trop plein de testostérone pour évacuer la tension galopante, aurait plus tendance à effrayer le spectateur novice qu'à le rallier aux fondamentaux implicites de ce sport où l'on se met de grandes tartes dans la gueule pour s'encourager, où l'on fait bouffer du gel douche aux petits nouveaux, où les blagues graveleuses sont un signe de force. Au finish – c'est un avis de non-sportif – on a affaire à un spectacle à l'image des desideratas de l'hilarant arbitre, “viril, mais correct“. François CauVestiairesdu 16 au 18 oct, à La Salle de Création de la MC2


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