Paysage sous surveillance


Expo / Étonnant comme très vite, le spectateur s'installe dans les pas, le regard, le corps-même d'une subjectivité inquiétante. Une subjectivité que l'on habite, qui nous met mal à l'aise, qui nous fait être voyeur, qui nous inquiète et nous fascine. Une subjectivité que l'on ressent ambivalente : à la fois sensible et froide, capable de mise en scène et d'authenticité, humoristique et grave, visionnaire et errante, mais parfaitement seule. 58 photographies couleurs qui dévoilent un univers mental dans lequel nous pénétrons, puis dans lequel nous sommes happés. Les images fixent, deviennent film. Clément Rieu, jeune artiste grenoblois très doué, s'est mis à la photographie à la mort de son grand-père. Avant, il faisait des vidéos. De son grand-père, il garde un vieux Réflex. Muni de l'appareil hérité, il déambule d'une ville à l'autre, d'un pays européen à l'autre, et s'intéresse aux lieux de circulation – bouche de métro, escalator, parking, coursives, passages divers, stations-service, bâtiments… Alors qu'habituellement ces lieux grouillent, ici, ils sont désertiques. Et se ressemblent. C'est la nuit. Mais dans la nuit, une couleur étrange est saisie. Là, une personne isolée est à l'image. Puis, ailleurs, d'autres détails : une caméra de surveillance, un nom de station de métro “Colégio militar“. Les cadrages sont parfaits : équilibres des lignes géométriques, lumière lunaire, précision du dessin. On est presque dans la peinture. Étrangement, une forme d'harmonie se dégage de ce monde du néant, du désarroi. Mais cette perfection devient inquiétante : et si nous étiions dans la tête d'un personnage dont l'hyper contrôle cachait une névrose ? Avec l'installation finale –vidéo-lumière-photo -, une clé humoristique est apportée par un artiste qui aime mettre en scène ses fantasmes et les nôtres. SDFrench eye (part one) jusqu'au 4 oct, aux Moulins de Villancourt


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Le patrimoine en perspective