Libres échanges

Événement / Le Festival Quartiers Libres célèbre cette année sa huitième édition, en restant fidèle à sa ligne de conduite : une émulation entre pratiques artistiques et rencontres avec les publics, le tout ponctué de concerts immanquables. François Cau


Avant de nous pencher avec voracité sur les succulentes têtes d'affiche de la manifestation, rappelons la ligne directrice de l'association Sasfé. Si le Festival Quartiers Libres constitue le point d'orgue de leur activité annuelle, les membres de la structure effectuent un travail continu de formation, de sensibilisation et surtout d'accessibilité aux pratiques artistiques. Dans les différents quartiers visés par leurs actions, avec comme visée finale une émulation entre ces pôles trouvant son apogée lors de la présente manifestation, le jeune public (comme les personnes âgées cette année) est invité à élaborer les multiples pans du résultat final. Soit dans le concret la réalisation d'un court métrage d'animation, d'un CD, des initiations au cirque, slam et graff. Autre garant de cette émulation pragmatique, un forum associatif (prévu le samedi 9 juin) regroupe des acteurs locaux autour d'un thème crucialement dans l'air du temps, Citoyens du Monde, nous sommes responsables de notre planète. Des débats, rencontres, échanges seront ainsi organisés toute la journée sur la question urgente de l'écologie et surtout de sa mise en œuvre tant individuelle que collective. Mixité culturelleLa programmation fait la part belle aux énergies renouvelées des habitants de chaque quartier investi par l'événement, et se targue également de la venue d'artistes de moult horizons, histoire d'être pleinement raccord avec sa ligne éditoriale. Côté spectacle vivant, la Bankal Cie associera hip hop et cirque en s'appropriant l'espace urbain, tandis que la compagnie Objet Sensible s'adressera au (très) jeune public avec une improbable histoire de facteur qui a perdu son nez. Mais comme à l'accoutumée, c'est par le versant musical que l'éclectisme culturel de Quartiers Libres s'exprimera avec le plus d'efficacité. L'habituelle et imposante chorale d'enfants (500 élèves des écoles de la Villeneuve et du Village Olympique accompagnés d'une cinquantaine de musiciens de l'Harmonie de Grenoble, ça calme) s'éloignera judicieusement de la mode post-Choristes en s'attelant à un répertoire jazz. L'Alzy Trio valdinguera entre bossa, flamenco, jazz et chanson ; les Phenos Rockin'ska entre… rock ska ; Pablo Malilali tentera de séduire les réfractaires du reggae ; le Kwartet Wiejski distillera des mélodies d'Europe de l'Est ; et les locaux de Dôei nous offriront une bonne lampée de leur électro-dub éthéré. La transmission On a tendance à ne retenir de Rachid Taha que son caractère écorché vif, cette image de l'artiste dont l'intégrité à tout crin s'exprime dans des tendances autodestructrices. Ne s'attacher qu'à cette facette serait une tragique méprise, comme nous l'a prouvé son dernier album Diwan 2, sorti en octobre dernier. Comme pour le premier opus sorti en 1998, il s'agit là de reprises de standards maghrébins ayant bercé son enfance (Diwan signifiant “Recueil“), de morceaux popularisés par la grande Oum Kalsoum à des titres oubliés de chanteurs obscurs ayant scandé sa jeunesse et développé son oreille musicale. Loin d'un hommage figé et déférent jusqu'à la caricature, Rachid Taha propose ici des réarrangements faisant un grand écart aussi périlleux que réussi (c'est dire) entre ses influences traditionnelles et son héritage rock. Atout de taille, sa voix éraillée n'a jamais été splendide et maîtrisée dans la moindre inflexion, apportant de subtiles touches d'ironie (voire de cynisme revendicatif) sur des textes patelins, sans oublier pour autant de sincères touches d'émotion. À l'image de son auteur, Diwan 2 est un disque dont la fragilité contribue à la puissance d'évocation. Inutile de préciser que sa version scénique est attendue avec beaucoup d'impatience. L'héritageEnfin, il serait criminel de ne pas évoquer la venue du mythique batteur Tony Allen, dont le nom est déjà inscrit dans l'Histoire de la Musique pour sa participation au groupe de Fela Kuti Africa 70. Dans le célébrissime combo, il se fait remarquer par la maîtrise hallucinante de son instrument – et par le fait, corollaire, qu'il est le seul musicien du groupe à composer ses partitions, Fela Kuti se chargeant de tout le reste… Après trois albums solo, Allen quitte Africa 70 à cause de ce qu'on nommera pudiquement “différends artistiques et financiers“. Loin de se reposer sur ce seul fait d'armes, le musicien virtuose continue d'allonger une discographie déjà imposante, en réexplorant les racines de l'Afrobeat dont il fut l'un des créateurs au sein de la formation précitée (avec l'album Lagos No Shaking sorti l'an dernier), ou en collaborant avec des musiciens aussi avides que lui d'expérimentations sonores (il a rejoint le projet The Good, The Bad and the Queen de Damon Albarn). Pour en rajouter dans l'emphase, disons juste que l'association Sasfé nous propose cette année une programmation idéale, parfaitement raccordée à ses intentions de départ, dont les deux superbes têtes d'affiche sont l'illustration parfaite. Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Quartiers Libresdu 6 au 9 juin, lieux diversdétails de la programmation en pages agenda


<< article précédent
Nos vœux les plus sincères