Tigres et sushis


Soirée / On ne va pas passer par 4 chemins. Monsters & Silly songs, dernier album en date du français Joakim, est sans doute l'une des meilleures choses qui nous soient passées dans les oreilles depuis le début de l'année. On envisageait pourtant la chose avec inquiétude : si le choix de jouer (et d'enregistrer) accompagné d'une formation “rock” est devenu chose courante pour les artistes électro, le résultat est loin d'être toujours convaincant. De fait, la première écoute peut déconcerter : une poignée de clubs bangers seulement (mais qui n'en font que plus d'effet) pour 16 longues plages s'aventurant aux 4 coins de la sphère musicale sans le moindre souci de cohérence. Expérimentations post-rock, réminiscences new-wave, ballades pop cristallines, ambient noise atmosphérique, musique de film à la John Carpenter… Et, disséminées au hasard, les quelques tueries club électro précitées, ultra-efficaces. Mais là où le génie rentre en jeu, c'est qu'a quelques rares exceptions près, on frôle la réussite quasi-parfaite dans chacun des styles abordés. Une sorte d'anti-“concept album”, sans le moindre trait commun entre chacun des morceaux, si ce n'est une science de la composition et de la production impressionnante. Et c'est sans doute là le principal talent de Joakim, cette faculté à insuffler un “supplément d'âme” (pour reprendre une expression rebattue) à des morceaux évoluant dans des univers aussi disparates. À regarder de plus près son parcours, pourtant, lumière se fait : un long et studieux passage au Conservatoire, suivi d'une passion jamais reniée pour le rock et les musiques expérimentales, et enfin, au milieu des années 90, la découverte de l'électronique sous toutes ses formes, à laquelle il se consacrera simultanément en tant que producteur (discret), remixeur (fécond et acclamé), et créateur de label (l'excellent Tigersushi). De toute évidence, la science du grand écart n'est pas nouvelle pour lui. Damien Grimbert Joakim + H.A.L. (DJ set) le 21 avril au Bar MC2, dans le cadre du Nuits Sonores Tour Album : “Monsters & Silly songs” (Versatile)


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Entropie dans la danse