Mysterious skins

Les films / On y était presque. Mais pour cause de délais serrés, on n'a pu voir que les deux tiers des longs métrages projetés cette année à Vues d'en Face. Retour critique (et intransigeant) sur la sélection 2007. Séverine Delrieu & François Cau


533 Statementsde Tori Foster (2006, Canada, 1h10) documentaireUn été, la réalisatrice a traversé le Canada avec sa caméra à la rencontre de femmes acceptant de revenir sur leur vie, leur sexualité, leurs épanouissements et leurs frustrations. En résulte une série de portraits souvent touchants, où l'effacement de la mise en scène est efficacement contrebalancé par la sincérité troublante des interviewées (et par une bande originale plus que sympathique).Le 12 avril à 18hBoy cultureDe Q. Allan Brocka (2006, EU, 1h31) avec Derek Magyar, Darryl Stephens...X est escort boy comblé ; Andrew son colocataire séducteur ; Joey un ado libéré qui gravite dans l'appart. Au départ, les ingrédients pour une comédie sexy plus au moins standard. Mais vient se greffer le personnage plus intéressant de Grégory, un vieil homo, d'abord client de X, puis ami de X et enfin figure multipliant les possibles au sein de la colocation. Derrière la légèreté de façade, le film soulève des sujets plus graves : la prostitution, la peur du couple et de l'engagement, et le vieillissement. Le 16 avril à 20hCut sleeve boysDe Ray Yeung (2006, GB/HK, 1h26) avec Steven Lim, Gareth Rhys Davis…Mel et Ash se rencontrent aux funérailles d'une connaissance commune. Le romantisme de l'un fait écho à la superficialité “queer à mort“ de l'autre ; au gré de péripéties sexy à souhait, chacun tentera d'assouvir ses rêves secrets. Une comédie aussi fleur bleue que lascive, qui se caractérise par sa description d'une communauté jusqu'alors peu représentée (les gays d'origine chinoise résidant à Londres). Une friandise très légère, à réserver aux amoureux de beaux asiatiques ou des charmes de la capitale anglaise.Le 15 avril à 14hEating Out / Eating Out 2 : Sloppy SecondsDe Q. Allan Brocka / Phillip J. Bartell (2004 / 2006, EU, 1h20 / 1h18) avec Jim Verraros, Emily Brooke Hands…Deux opus partageant les mêmes qualités : cadres léchés, atmosphère oscillant entre érotisme troublant et humour camp au possible, mauvais goût occasionnel mais largement assumé (mention spéciale au “climax“ de la séquelle, plus trash tu meurs…). Mais aussi les mêmes défauts : une légèreté de ton qui donne souvent l'impression de se mater une sitcom de luxe, et des sujets rebattus pas franchement renouvelés (l'Adonis à la sexualité hésitante qui sème le trouble chez tous les protagonistes, on commence à connaître la chanson…).Le 11 avril à 22h / Le 14 avril à 20hEl cielo DivididoDe Julián Hernández (2006, Mexique, 1h40) avec Klaudia Aragon, Fernando Arroyo...Rythme lent, quasiment muet, ce film est par ailleurs une expression aiguë de l'amour absolu. Deux jeunes garçons se plaisent sur les marches de l'Université : un premier amour physique, total entre deux partenaires sublimes. Leur relation filmée avec une infinie douceur, souplesse, chaleur déploie une lumière éblouissant le spectateur. Les plans sur les cous, les corps ou les bouches qui se prennent ardemment, révèlent un érotisme rare. Si les images sont plastiquement irréprochables, le film sombre quelque peu dans la répétition du “je regarde ailleurs, je te quitte”, ”je reviens avec toi, tu es beau”...Le 14 avril à 22hÉlectrochocsDe Juan Carlos Claver (2006, Esp, 1h38) avec Carmen Elias, Susi Sanchez…On pensait avoir tout vu en termes d'austérité mélodramatique, mais ce film parvient tout de même à s'inscrire durablement dans nos mémoires avec son esthétique au cordeau, son interprétation impeccable et son sujet forcément révoltant. Dans les dernières années de l'Espagne franquiste, une enseignante vivant pleinement sa passion avec une autre femme est placée en établissement psychiatrique pour y être “soignée“, avec toute la cruauté et les séquelles désastreuses que vous pouvez imaginer. Le réalisateur ne nous épargne rien, mais derrière cette apparente prise d'otage affective du spectateur se dessine une belle histoire d'amour, brisée à jamais. Le 15 avril à 20hFabulous ! The story of queer cinemaDe Lisa Ades et Lesli Klainberg (2004, EU, 1h25) documentaireOn ne peut s'empêcher de penser à la vision de ce film au docu The Celluloid Closet, qui balayait plus d'un demi-siècle de censure puis d'avènement de la représentation de l'homosexualité au cinéma. Mais la qualité des extraits choisis, de la narration et surtout des intervenants (John Cameron Mitchell, Jonathan Caouette, Ang Lee, Todd Haynes, Gus Van Sant…) évite au film de tomber trop ostensiblement dans la redite.Le 13 à 22h, le 16 avril à 18hJohan (mon été 75)De Philippe Vallois (1976, Fr, 1h30) “documentaire”Paris, 1976. Un réalisateur tombe amoureux de Johan, un jeune homme mythomane et voleur. Alors que tout le monde lui déconseille de s'acoquiner avec ce bel éphèbe, celui-ci décide de faire un film autour de lui. Mais, la petite frappe se retrouve en prison. Le cinéaste cherchera des figures de son amoureux, partout. Des scènes d'anthologie dans ce premier film français homosexuel émouvant et novateur : le témoignage d'un sadique, les rires communicatifs “au poppers” de Marie-Christine, les pissotières mouvantes...Ne ratez pas la version intégrale du film en présence d'un réalisateur inclassable, Philippe Vallois.Le 11 avril à 18hSexus DeiDe Philippe Vallois (2006, Fr, 1h30) avecYannick Rocher, Christophe Tuaillon...Si Johan, le premier long de Philippe Vallois, mélange de documentaire sur le milieu gay des années 70 et itinéraire amoureux tumultueux nous a touché, Sexus dei, trop kitsch, trop mal joué, trop invraisemblable et aux parallèles vraiment très outrés, déboule comme un film ovni plutôt ridicule. C'est Madeleine qui écrit et narre l'histoire de sa caravane : lorsque son amoureux des bois rencontre l'amour avec le parisien sur la plage, la chute qui s'en suit engendrera une rédemption vraiment risible.Le 11 avril à 20hvues d'en face, 6e festival international du film gay et lesbien de grenoblejusqu'au 12 avril (toutes les projections ont lieu au Cinéma Le Club - qu'il soit remercié !)


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LIONEL BAIER