Un rien plus profond

Un nouvel album brillant, des passages scéniques concentrés et hypnotisants : le collectif grenoblois Rien se construit un bel avenir. Séverine Delrieu


Rien vient de sortir son deuxième album : Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir. Une œuvre brillante et composite qui rassemble toute une gamme d'univers musicaux largement exploités dans des compositions assez longues et très construites. Alors que dans le premier album Requiem pour les baroqueux (2004), le groupe voguait entre Tarantino et Kitano, réinterprètant la culture ciné pour en faire jaillir des pépites délicates et chargées, riches en textures, le deuxième opus travaille plus en profondeur sur la forme comme sur le fond. L'un des aspects majeurs semble être l'hommage à Steve Reich : le travail fouillé des structures, les cellules répétitives superposées, font surgir des mélodies cachées au cœur d'une rythmique implacable, le tout produisant un effet hypnotique marquant. Du coup, on voyage entre rock, musique contemporaine, dub, trip-hop et tant d'autres références, qui, loin de faire ressembler cette musique à un pastiche fusion, détourne bien au contraire tous ces codes pour en faire émerger une forme singulière et unique, un peu comme « la lumière qui surgit d'un morceau de verre, que le vagabond de la musique a ramassé, et tendu vers le soleil pour en faire jaillir mille couleurs », citation d'Adorno qui vient en fin d'album.

Guitares lancinantes

Par ailleurs, l'univers cinématographique n'est pas complètement absent, loin s'en faut : les montées rock et les passages staccato des premiers et derniers morceaux, font souvent penser à l'univers de David Lynch. Ils ont en commun avec ses films, ce sens du rythme et la maîtrise de la tension produite sur le spectateur. Pink Floyd et la culture seventies sont également présents, particulièrement lors des solos des excellents guitaristes Yugo et Dos.3, alternant gros sons électriques et moments délicats en acoustique. Leur travail soutient, telle la clé de voûte, la structure même du groupe en écho parfait avec les deux percussionnistes, aka et francis fruit. Le côté funk de la basse, ajoute une nouvelle couleur. Le clou de l'album et dernier morceau, Se Repulen, s'appuie sur un texte de Jull : à la qualité musicale, égalant les meilleurs passages du groupe Air, le flot mélodique se conjugue au sombre timbre de Jull froissant, en force et douceur, sa poésie d'amour.

Rien le 5 avril à EVE, dans le cadre de Concertin(p)g
Album : “Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir“ (L'Amicale Underground)


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