Les vérités

Danse / Seydou Boro, danseur et chorégraphe du Burkina Faso, s'est écrit un solo dansé et parlé dans lequel il s'expose : C'est-à-dire... est un journal intime fragmenté sur son parcours de danseur. Séverine Delrieu


Seydou Boro a un parcours peu commun. D'abord footballeur, puis informaticien, il choisira finalement la danse et le théâtre et deviendra acteur et danseur très actif sur le continent africain. En 92, son entrée dans la compagnie de Mathilde Monnier bouleverse son approche de la danse : il créera en 96 sa première pièce, Le siècle des fous. Avec son complice et alter égo Salia Sanou, il fonde la compagnie Salia ni Seydou. Et C'est à dire... est leur 5e création commune. Un parcours résumé bien vite, mais ces quelques éléments biographiques permettront de mieux saisir la proposition de Seydou : un solo sur son histoire de danseur, croisé à sa vision de l'Afrique. En bousculant les clichés, le chorégraphe démontre qu'il n'y a pas qu'une vérité.La ChoseÀ l'avant-scène, presque dos au public, il est assis. Il gratte sa guitare, et son chant émouvant s'élève. Comme s'il était seul. Il semble chorégraphier pour lui, puis joue à prendre conscience que le public est présent. Seydou est un comédien au registre à la fois volontairement comique, jusqu'à la parodie, et très émouvant dans les montées de vérité. Mais aussi un danseur vraiment hors pair : la force et la précision du geste, imposent un corps plein sur scène. Lorsqu'il enchaîne avec une ligne chorégraphique très contemporaine plongée dans le silence, c'est pour faire écho au dialogue joué plus tard entre lui et Mathilde Monnier à propos de La Chose, comprendre la danse, où la chorégraphe française lui demandait de danser sans bruit. Tout fonctionne sur ce mode de narration dans cet itinéraire mental et corporel toujours sur le fil du doux-amer, du pince sans rire, du léger qui vire à la dénonciation. Du refus de la tradition affirmée, Seydou finalement l'interroge, la déjoue, pour inventer son langage en assimilant, acceptant les divers enseignements et visions de la danse. Alterne alors moments de danse africaine, contemporaine, souvenirs durs reliés à ses origines, à sa culture, à sa vie, des prises de position, réflexions sur la danse. Le passé remonte au-delà de sa propre histoire personnelle aussi, jusqu'à son peuple réduit à l'esclavage dans une scène bouleversante où Seydou devient chien attaché. Lorsque les mots manquent, le corps exprime sonhistoire, violemment. Mais tout est étroitement lié dans cette performance et ce, malgré la sensation de fragmentation. Les récits, aux antipodes de ce que l'on peut attendre “d'un griot africain”, restituent des anecdotes très parlantes sur la manière dont sont vus les africains ; les mouvements, bien qu'issus de source multiples, se rejoignent avec harmonie. Seydou cultive l'effet de surprise. Change de tons et d'angles lorsqu'on s'y attend le moins. Et, à son flot de vie chaotique, on s'identifie.C'est-à-dire... le 29 mars à 20h, à La Rampe


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