Hors Limites

Musicien à la boulimie maîtrisée de plus en plus proche de ses solides référents, Vincent Ségal, violoncelliste on ne peut plus éclectique, revient sur son parcours en avant-goût de sa soirée “Bach to Bach” à la MC2 (et prouve aux sympathiques mauvais esprits qu'aucun lien ne le relie à Steven). Propos recueillis par FC


Comment s'est constituée votre famille musicale, avec Cyril Attef, Sébastien Martel, Julien Lourau… ?Vincent Ségal : En 1996. C'était à une époque où je ne jouais presque pas sur Paris, je me consacrais aux tournées avec Glenn Ferris (le meilleur tromboniste jazz du monde, ndlr). Je revenais du Brésil, Julien Lourau m'a appelé en disant qu'il avait envie d'expérimenter sur un projet intitulé Olympic Gramophon, j'ai répondu à l'invitation, rencontré les autres et on ne s'est plus quitté. J'ai connu Magic Malik à ce moment-là aussi, il vivait avec Camille à l'époque – peu de gens le savent, mais Malik et Sébastien Martel l'ont beaucoup aidé pour ses premiers pas ; Sébastien m'a présenté Mathieu Chédid pour participer à son premier disque… Ça donne une famille intéressante ; même si maintenant on se voit moins souvent, que Mathieu est devenu ce qu'il est, que Sébastien a développé une nébuleuse de son côté. On ne se voit plus que pour enregistrer, mais quand ça se produit, on a toujours cette impression de faire partie d'une vieille bande. Je fais très attention à la jeune génération également. J'ai appris avec Glenn qu'il fallait être à l'aise, jouer avec le plus de monde possible, et enfin développer son propre style.… D'où votre boulimie permanente de cultures différentes.Exactement. Je reviens juste d'Inde où j'étais avec Susheela Raman… Quand je voyage, ce qui est génial avec la musique c'est de communiquer, de voir comment réagit une personne, si elle est ouverte ou fermée, si elle reste bloquée sur sa façon de jouer ou pas. Il y a des personnes exceptionnelles qui n'ont connu qu'un style de musique dans leur vie, d'autres un peu touche à tout mais qui n'arrivent pas vraiment à maîtriser ce qu'elles jouent, on a tous des défauts. Mais avec Cyril on adore vivre comme ça. D'autant plus quand tu vis à Paris et qu'il y a tant de choses à voir… Je pourrais me mettre des ornières, et me dire que je ne vais voir que des répertoires de violoncelle du 18e, ne plus faire que des réalisations d'albums de chansons, ça m'ennuierait au bout d'un moment. Mais faire ça plus des films, plus du rock, plus jouer avec Bumcello, avec des musiciens de free jazz, c'est un choix de vie qui me convient.Sur la question de l'engagement, des réflexions politiques que peuvent vous inspirer vos pérégrinations, vous restez neutre.Je m'intéresse à la politique, je lis les journaux ; quand on voyage on voit beaucoup de choses, on ne ressent pas tout mais on voit les problèmes qu'il y a. La question de savoir d'où vient l'argent qu'on gagne peut aussi se poser… Après ce qui me gêne dans ce qu'on appelle la politique spectacle, c'est que c'est très facile pour les politiques d'aller chercher des artistes pour se faire valoir, et d'un autre côté c'est très facile pour les artistes de gagner énormément d'argent en prônant une attitude dont on sait qu'elle va être aguicheuse vis-à-vis de la jeunesse. Ça me gêne toujours de voir des amis flirter avec ces concepts. Par exemple j'adore Amadou et Mariam, mais quand ils sont là à dire “vive la paix dans le monde“, je sens Manu Chao derrière… Et ça marche, en plus. J'ai toujours du mal, avec Mathieu on se dispute beaucoup pour ça, le côté “oui à l'amour“, tout ça. J'aime bien l'attitude qu'adoptait Gainsbourg, d'être hyper discret sur sa vie privée et sur ce qu'il pense, quitte à être limite agressif ou provoc pour avoir un genre de paix. J'ai tendance à préférer les mecs un peu cassants comme Lennon. Pour revenir à votre discographie, et à votre album solo, T-Bone Guarnerius, sur ce pseudo : Guarnerius fait référence à la grande famille de luthiers, mais T-Bone, c'est en hommage à T-Bone Burnett, Walker, Slim ou au rappeur chrétien T-Bone ?Alors déjà pas le dernier, mais c'est une sorte de mélange des trois autres. Un T-Bone à la base c'est un grand type un peu sec aux USA. Guarnerius, c'est effectivement cette tradition qui a donné l'aboutissement de fabrication des instruments les plus prestigieux. C'est un pseudo que j'utilisais déjà sur certains disques. Sur ce projet, je voulais vraiment mettre ma vie en avant, montrer le rôle que ma famille musicale joue dans mon univers quotidien. Le prochain album est lié à ce que je vais jouer le 24 mars à la MC2. Des suites pour violoncelle, des morceaux qui renvoient aux principes structurels du bal – à l'époque de Bach, ils dansaient là-dessus dans leurs discothèques. Au-delà de ça, pour l'album, le but est de prendre des rythmes de toutes les époques, de tous les pays et de les jouer avec un violoncelle. Je le sors dans un premier temps sur vinyl, parce que je voulais que ce ne soit pas le genre de musique que tu mets sur un i-pod, mais plutôt l'écouter dans une pièce.Vincent SegalSoirée Bach to Bach / Chant Libre de Vincent Segal ; Bach to the DancefloorLe 24 mars à 19h30, au Petit Théâtre de la MC2


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Les enfants de la toile