Fascination pour l'ailleurs


CRITIQUE / Troublante, étrange histoire de fascination que celle écrite par Sherko Fatah dans Petit Oncle. Fascination, qui s'enclenche par une volonté de se perdre, de s'oublier donc par un mensonge : Michael, étudiant à Berlin, désœuvré, en manque d'affection frappe à la porte d'un appartement inconnu et se fait passer pour un électricien. Il y rencontrera Nina, clandestine venue du Nord Irak, puis Rahman de la même communauté et employé d'un chantier avec qui Michael aura une relation amicale étrange : alors qu'a priori tout les sépare, ils navigueront d'un vernissage branché à une partie de capture d'un cygne pour le repas de Noël - une scène d'introduction très parlante sur la violence de l'époque. Mais il rencontrera surtout Omar, dit le Petit Oncle, un vieil homme nerveux, incontrôlable, traumatisé communiquant uniquement avec Nina. Des rencontres décisives pour Michael, qui trouvera dans ce monde de la désolation, dans cet univers parallèle, un endroit où s'ancrer, une raison de vivre trouble. Vivre pour l'amour qu'il éprouve soudainement pour Nina, personnage fuyant, insaisissable avec qui il ne peut communiquer. Vivre aussi pour percer le secret de Omar et partir en Irak dans l'espoir de reconstituer son histoire. Dans ce pays à l'agonie, il sera le témoin d'un peuple détruit, de souffrances profondes, incommunicables. Déjà Zone Frontalière, le premier roman de Sherko Fatah, auteur né en 64 à Berlin-Est d'un père kurde du nord de l'Irak et d'une mère allemande, plongeait le lecteur dans le monde des passeurs et des clandestins. Avec Petit Oncle et son écriture distanciée, au regard presque froid, les descriptions de l'horreur sont de lentes montées liquéfiantes.Sherko FatahRencontre avec l'auteur le 17 mars à 17h30, Hall du Théâtre Municipal“En zone frontalière” et “Petit Oncle” sont publiés chez Métailié


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«Je ne suis pas un auteur à hypothèses»