Chili, terre mère


CRITIQUE / L'écriture de Sartre et la Citroneta, deuxième roman du chilien Mauricio Electorat – aux airs d'autobiograhie -, est fougueuse, indécrottablement drôle. À l'image de son narrateur Pablo, chilien installé à Paris fin des années 90, et traducteur exploité. Au moment où démarre le récit, Pablo cherche à se loger dans Paris. «Ce qu'il ne souhaiterait pas à son pire ennemi», dit-il justement, scènes à l'appui. La raison : sa femme l'a quitté. Mais comme un malheur ne vient jamais seul, Pablo apprend quasi simultanément la mort de sa mère au Chili. Alors qu'il s'envole pour Santiago, le récit alterne alors entre souvenirs de ses années d'étudiant gauchiste et de lycéen communiste sous la dictature Pinochet, avec des souvenirs de sa vie parisienne - notamment les retrouvailles avec Nelson, ancien traître des ses années estudiantines. De cette mémoire douloureuse qui rejaillit, de ces années politiques dures, Electorat a su restituer le dynamisme juvénile de la resistance qui ne manque pas de dérision face aux scènes les plus brutales et les plus absurdes. Sans s'y attendre, le récit se colore joyeusement de lettres de soutien envoyées par Sartre, Duras ou Costa-Gavras au groupe de lycéens résistants. En parallèle, d'autres lettres s'intercalent : celles que la mère de Pablo envoyait à son fils lorsqu‘il vivait à Paris avec femme et enfants. Des lettres d'un humour décapant, mais qui disent en creux la pauvreté des années post-dictature. Passé, présent se mêlent dans l'esprit troublé de Pablo. Mauricio Electorat, né à Santiago et arrivé en France en 87, possède cet humour acide, cette dérision de l'ordre du défoulement, qui permet de rire des situations les plus bloquées, les plus insoutenables, sans en perdre leur substance noire. SDRencontre avec l'auteur le 16 mars à 15h30 à la Maison des langues Campus, et le 17 mars à 20h, Salle Juliet BertoLivres : “Le Paradis, trois fois par jour“ (Gallimard), “Sartre et La Citroneta“ (Métailié)


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Fascination pour l'ailleurs